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1996 - 2000 COMMUNIQUES Kigali - Gitarama Suppression de témoins gênants TOUS Violences sur la population

Com030/1998 : Assassinat du Père Vjecko et reprise des massacres à Gitarama

Le Centre dénonce le FPR qui manipule les médias, les diplomates et les observateurs occidentaux et qui, après l’épuration ethnique de Ruhengeri et Gisenyi, veut poursuivre son plan macabre sur Gitarama.

L’Armée Patriotique Rwandaise reprend ses massacres planifiés à GITARAMA après l’assassinat d’un autre témoin gênant, le Père croate VJEKO Curic tué le 31/01/1998

Selon les médias étrangers: «Les autorités rwandaises ont révélé, samedi 28 février 1998, que deux bandes de rebelles hutus avaient mené la veille au nord de la préfecture Gitarama, au centre du Rwanda, des opérations armées, qui auraient fait 19 tués au sein de la population de BULINGA». Quant à l’Agence Rwandaise de Presse citée dimanche 1/3/98 par l’Agence Reuters: «La contre-offensive de l’APR aurait causé la mort de 17 assaillants ». Selon toujours les autorités rwandaises: des rebelles, évalués entre 3000 et 4000 miliciens hutus, ont participé, en deux groupes, à cette action qui avait notamment pour objectif de libérer les détenus de la prison de Bulinga. Les 600 prisonniers ont ainsi pu prendre la fuite. Les rebelles auraient également incendié le domicile du Bourgmestre et tenté de mettre le feu à des écoles et des entrepôts réservés à l’aide humanitaire. La commune de NYAKABANDA, où la prison a également été attaquée, a été la cible des rebelles hutus », ont ajouté les autorités de Kigali qui prétendent qu’un certain nombre d’habitants de la commune BULINGA auraient été enlevés par les assaillants, qui ont fait retraite vers les villes du sud de la préfecture Gisenyi (nord-ouest du Rwanda) d’où ils avaient lancé les attaques.
Selon une source locale citée par l’Agence Rwandaise d’Information (ARI, privée: Celle-ci n’est qu’une « agence privée du FPR ». Un de ses fondateurs est un ancien prêtre Privat Rutazibwa reconverti en militaire sanguinaire. Un autre de ses fondateurs et correspondant en Belgique est Axel de Backer, connu pour son extrémisme anti-hutu et était membre du Comité pour le Respect des droits de l’homme et de la Démocratie au Rwanda CRDDR, basé en Belgique. D’aucuns le comparent à un « Georges Ruggiu » du FPR!): « les miliciens interahamwe ont tenté, dimanche matin le 1er mars 1998, d’attaquer le village limitrophe de NYABIKENKE, essayant ainsi de couper la route entre Kigali la capitale et Gitarama. Ils ont été arrêtés par l’APR et par les habitants, qui ont capturé deux rebelles avec des fusils non chargés ».
Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda met en doute ces allégations des autorités rwandaises au sujet de ces attaques de Samedi 28/02/1998 à l’aube contre les cachots communaux de BULINGA et NYAKABANDA en préfecture GITARAMA. La technique d’attaquer les cachots communaux et de faire disparaître certains ou tous les détenus est utilisée par l’APR depuis 1996. Le régime de Kigali, ayant été incapable d’instruire les dossiers de plus de 130.000 détenus arrêtés le plus souvent sans enquêtes, n’a jamais cessé d’organiser des tueries massives ou des enlèvements de détenus « attribués aux infiltrés hutus ». Le Centre estime qu’il s’agit encore d’une manipulation du régime de Kigali visant à justifier le massacre ou la disparition de plus de 3.000 habitants de ces communes. Dans leur volonté de réaliser l’épuration ethnique dans toutes les régions du pays, les stratèges du FPR manipulent les médias, les diplomates et les observateurs occidentaux. Le Centre dénonce cette nouvelle manipulation pour plusieurs raisons :
1) Après l’épuration ethnique de Ruhengeri et Gisenyi, Gitarama reste la préfecture la plus peuplée (environ 800.000 habitants) que l’APR a commencé à « vider »:
Hier le régime des extrémistes hutus invoquait la guerre et les complices du Front Patriotique Rwandais (FPR) pour persécuter et massacrer les tutsis. Aujourd’hui le régime des extrémistes du FPR massacre et persécute des milliers de civils hutus non armés sous prétexte de combattre «des rebelles hutu». Après l’extermination des hutus du nord (accusés d’avoir soutenu le régime du Président Juvénal Habyalimana, assassiné le 6 avril 1994), les extrémistes tutsis ont juré d’exterminer les hutus de Gitarama et les tutsi mécontents du régime.
2) La déstabilisation de la préfecture Gitarama, par des escadrons de la mort de la « Special Branch », une unité secrète de la Directorate Military Intelligence (DMI), a déjà commencé le 5 Juillet 1997 par l’assassinat de plusieurs personnalités hutu en commune NYAKABANDA (voir notre communiqué n° 17/97 du 14 juillet 1997).
3) L’arrestation et la détention arbitraire des cadres hutus de la préfecture Gitarama depuis Mai 1997 pour isoler le Préfet et déstabiliser la population:
Le Préfet de Gitarama dénonçait dans sa lettre du 20 mai 1997 des pratiques et des comportements scandaleux du Procureur près le Parquet de Gitarama. Parmi les arrestations arbitraires, il dénonçait celle de son collaborateur Aimable ICYIMPAYE, Agronome de préfecture arrêté par le Lt Théodore Gakuba parce qu’il avait osé accuser les militaires d’avoir volé des vélos qui devaient être distribués, comme prix, aux meilleurs agriculteurs. Ce Lieutenant fait partie des quatre officiers APR impliqués dans l’assassinat du Cpt Théoneste.
En juillet août 1997, d’autres cadres hutus de Gitarama ont été emprisonnés sans enquêtes et dossiers judiciaires. Il s’agit des responsables administratifs suivants:
– Mr Révérien NGENDAHAYO, S/Préfet des Affaires juridiques et administratives, a été arrêté comme génocidaire alors qu’il avait repris son travail depuis août 1994 à Gitarama.
– Mr Emile BUDARA, Directeur du Centre de Formation des Cadres de Murambi, a été arrêté comme génocidaire alors qu’il avait repris ses fonctions depuis août 1994.
4) L’assassinat du Capitaine Théoneste HATEGEKIMANA le 24 octobre 1997 par quatre soldats de l’APR a permis de supprimer ce Commandant de Gendarmerie qui s’était longtemps opposé à l’implantation des structures d’appui de la Special Branch « chargée d’organiser la guerre civile » par l’introduction et l’exploitation de la formule des infiltrés hutu dans la préfecture de Gitarama. Un procès simulacre organisé à Gitarama a permis aux officiers de l’APR, impliqués dans cet assassinat, d’être acquittés tandis que les quatre soldats reconnus coupables d’avoir tendu l’embuscade mortel au Capitaine Théoneste, ont été condamné à mort le 20 novembre 1997.
5) La nomination du Colonel KARENZI Karake (le 1/12/97) suivie de l’attaque contre le cachot et le bureau communaux de BULINGA à l’aube du 3 décembre 1997:
Cet ancien patron de la DMI est justement spécialisé dans l’épuration ethnique et les opérations des escadrons de la mort, chargés de « simuler les attaques » à attribuer aux rebelles hutu pour mieux légitimer les massacres de civils non armés pendant les opérations «de fouille » de l’APR. Aussitôt dénoncé par les organisations des droits humains, ce Colonel fut transféré à RUHENGERI (nord-ouest) et fut remplacé par le Colonel Kazintwali KADAFI (un des responsables de massacres de civils à Butare et de réfugiés hutu au Kivu) le 9/01/98. Avec ces mutations, l’organisation des attentats et des « attaques simulées » en préfecture de Gitarama fut suspendue en janvier 1998 après les opérations meurtrières des « infiltrés de la Special Branch » du DMI dans les communes de Bulinga, Nyabikenke, Nyakabanda, Rutobwe, etc…
6) L’assassinat du Père croate VJEKO, Econome Général de la Diocèse Kabgayi et Curé de la Paroisse Kivumu à Gitarama, samedi le 31 Janvier 1998 dans la capitale Kigali. Ce prêtre qui parlait couramment le Kinyarwanda a sauvé beaucoup de personnes menacées tant tutsi que hutu depuis le génocide et les massacres d’Avril 1994 jusqu’au jour de son assassinat. Une semaine avant ces attaques contre les cachots de Bulinga et Nyakabanda du 27 février 1998, des membres du FPR ont contacté le Centre pour donner des informations suivantes: « Comme ce fut le cas lors de l’assassinat du Capitaine Théoneste, le père VIEJKO a été assassiné par la DMI qui le considérait comme un obstacle à l’exécution des massacres programmés par les commandants militaires de l’APR dans la préfecture de Gitarama. Ils avaient dû les suspendre début Janvier 1998 car ils le soupçonnaient de livrer des informations à Rome sur les crimes de l’APR à Gitarama ».
Le Centre accuse les commandants et conseillers militaires du Général KAGAME d’avoir commandité ces « attaques simulées » contre les cachots communaux afin de faire disparaître les centaines de détenus que le régime de Kigali continue d’entasser dans les prisons mouroirs sans aucun espoir d’un procès équitable.
Le Centre attire l’attention des médias, qui se complaisent à répercuter des informations fournies par des responsables d’un régime qui n’a jamais cessé de mentir à l’opinion publique tant nationale qu’internationale.
Le Centre a souvent constaté que d’autres attaques simulées ont été menées contre d’autres cachots communaux pour légitimer la disparition des détenus. Des attaques simulées par des éléments de l’APR ont été relevés :
– Dans la nuit du 19 au 20 mai 1996, 45 détenus du cachot communal de Bugarama (Cyangugu au sud-ouest) ont été massacrés par de prétendus infiltrés venus de l’ex-Zaïre pour les «libérer». Mais des enquêteurs indépendants ont prouvé que ce sont les soldats de l’APR qui les ont abattus froidement, car il n’y avait aucune trace de violence sur les murs extérieurs.
– Dans la nuit du 18 au 19 mai 1996 (soit une semaine après l’assassinat du Bourgmestre tuée le 10 mai 1996 par un homme armé dans sa maison sise à côté d’un campement militaire), le bureau de la commune KARENGERA (Cyangugu) a été attaqué et incendié par des individus armés non identifiés qui auraient libéré 71 des 123 détenus du cachot communal.
– Le 27 octobre 1996, des malfaiteurs non identifiés ont assassinée le Bourgmestre et incendié une partie du bureau communal de NYAKABUYE (Cyangugu). Lors de cette attaque, tous les détenus du cachot communal se seraient « évadés » selon les sources militaires de l’APR.
– Le 8 août 1997, les soldats du Colonel KAYUMBA Nyamwasa ont massacré plus de 500 détenus dans les cachots communaux de KANAMA et RUBAVU (Gisenyi au nord-ouest);
– Le 20 novembre 1997, des soldats APR ont mené une attaque simulée contre le cachot communal de GICIYE (Gisenyi) et ont ensuite prétendu qu’environ 1.200 rebelles hutus avaient tenté de libérer les détenus. Environ 88 détenus ont été tués tandis que 93 auraient été libérés!
– Le 1er décembre 1997, environ 103 détenus du cachot communal de RWERERE (Gisenyi) ont été « libérés » suite à une prétendue attaque des rebelles hutus.
– Le 3 décembre 1997, environ 630 détenus du cachot communal de BULINGA (Gitarama au centre) ont été « libérés » par de prétendus rebelles estimés à environ 300. Trois jours plutard plus de 450 détenus sont revenus volontairement au bureau communal car leurs « libérateurs » ne les avaient pas emmenés avec eux. Ce sont ces mêmes détenus qui ont disparu lors de l’attaque de prétendus rebelles du 27 février 1998 à Bulinga!! A Nyakabanda, la Coopérative COFORWA a été pillée et l’Ecole secondaire privée brûlée!
– Le 10 décembre 1997, lors du 2ème massacre de MUDENDE, plus de 400 détenus du cachot communal de MUTURA (Gisenyi) ont disparu suite à l’attaque attribuée à des rebelles hutus qui ont massacré entre 271 réfugiés congolais (selon Kigali) et 1.600 (selon Kinshasa).
– Dans la nuit du 9 au 10 décembre 1997, au moins dix rescapés du génocide réfugiés chez le bourgmestre de RAMBA, Pascal Uwimana, ont été tués avec lui et son chauffeur. Les bâtiments communaux auraient été complètement détruits.
Le Centre n’a cessé d’attirer l’attention sur le fait que les événements qui secouent le Nord-ouest, puis maintenant le Centre du pays, sont programmés de longue date et orchestrés au plus haut niveau de l’Etat par le Général Paul KAGAME aidé par un « club d’officiers extrémistes ». Le Centre dispose des informations précises qui indiquent que la plupart des attaques des prisons et des massacres de civils non armés sont l’oeuvre des « escadrons de la mort » constitués au sein de l’APR. Le mutisme des médias rwandais et de Radio-Rwanda sur ces récentes attaques de Gitarama et sur celle contre l’Usine à Thé de Pfunda (Rubavu-Gisenyi) jeudi 19/02/98 (11 morts et 5 blessés) montre que certaines révélations de l’APR sont destinées à l’exportation et à la manipulation des médias internationaux!
7) RECOMMANDATIONS: Le Centre demande instamment:
Au Gouvernement Rwandais de :
– ordonner aux troupes de l’APR d’arrêter les massacres de civils non armés;
– prendre ses responsabilités pour protéger toutes les composantes du peuple rwandais et
– de mener des investigations sérieuses pour déterminer l’existence réelle « des infiltrés ou des insurgés hutus » et d’empêcher les stratèges du FPR de manipuler les médias et les pays amis.
Au Vice-Président de la République Rwandaise et Ministre de la Défense:
– d’arrêter immédiatement « le plan apocalyptique » des extrémistes tutsis;
– de démettre et sanctionner les différents responsables de la DMI, de l’APR, de la Gendarmerie, de la Police Communale et d’autres milices tutsies qui ravagent le pays.
– de cesser de paralyser les Institutions officielles (Gouvernement, Parlement, Magistrature)
– de démanteler immédiatement le « pouvoir occulte » dont jouissent un noyau de commandants militaires extrémistes purs et durs de son entourage direct.
A la Communauté internationale de:
– Faire pression pour obliger le gouvernement rwandais et les infiltrés (là où ils existent) à arrêter les massacres de civils non armés et à respecter le droit international humanitaire.
– Conditionner l’aide financière et toute forme d’assistance à l’arrêt de ces massacres, des arrestations et détentions arbitraires, des enlèvements et tortures et autres assassinats, etc…
Aux Nations Unies:
– De mettre sur pied une Commission Internationale d’Enquête sur les massacres de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) et l’existence réelle d’une « rébellion hutue ».
– De mettre en place une force internationale de protection des populations civiles;
– D’envisager l’extension du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR).
A la presse nationale et internationale de:
– informer objectivement sur la situation des droits humains au Rwanda.
– cesser de servir de caisse de résonance de la propagande officielle diffusée par l’Armée pour légitimer les massacres de populations civiles non armées sans même chercher à vérifier le bien-fondé des informations et manifester un esprit critique.
Pour le Centre, MATATA Joseph, Coordinateur