Le 22 avril 1995, plus de 8000 déplacés de guerre sont sauvagement massacrés par les militaires de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) à Kibeho dans le Sud du Rwanda dans l’indifférence totale de la communauté internationale. Deux ans plus tard, jour pour jour, les soldats de la même branche militaire issue du Front Patriotique Rwandais (FPR) massacrait plus de 30 000 réfugiés rwandais le long du chemin de fer de Kasese en République Démocratique du Congo (RDC). Une fois encore cette même communauté internationale abandonna les victimes et les rescapés à leur triste sort.
Durant ce mois d’avril où des commémorations sont organisées un peu partout dans le monde en souvenir du génocide rwandais, il s’agit de se souvenir de toutes les victimes mêmes celles qui sont oubliées et ignorées de l’opinion nationale et internationale. Toutes les vies humaines se valent et elles méritent toutes le respect et la dignité indépendamment du statut social et l’appartenance ethnique. Même après la mort !
Le fait que les autorités rwandaises tentent de faire passer sous silence cette double tragédie est encore une autre manœuvre pour faire oublier ces massacres de masse commis pourtant au vu des médias, des observateurs étrangers, des organisations humanitaires et des institutions internationales. Le gouvernement rwandais cherche avant tout à se dérober de sa responsabilité directe dans cette extermination délibérée et planifiée qui reste impunie à ce jour. A l’époque, il faut savoir que le gouvernement rwandais tentait déjà de se dédouaner en invoquant cyniquement la légitime défense pour justifier l’abominable massacre de ces 8000 hommes, femmes et enfants encerclés et complètement désarmés.
20 ans après ces massacres organisés, les responsables de ces crimes de masse coulent de bons jours sous les auspices du gouvernement rwandais et de leurs soutiens étrangers qui s’obstinent à bloquer toutes les démarches visant à poursuivre ces criminels devant la justice. Notamment les Etats-Unis et la Grande Bretagne qui continuent d’offrir un soutien inconditionnel au régime de Kigali malgré les différents rapports dévoilant et condamnant sa responsabilité manifeste dans les crimes contre l’humanité commis continuellement au Rwanda et en RDC dès sa prise de pouvoir en 1994. Le Rapport Mapping sur la RDC 1993-2003 va jusqu’à les qualifier de crime de génocide s’ils étaient jugés devant une juridiction internationale compétente.
Nous regrettons qu’à ce jour rien ne soit entrepris avec force et conviction pour poursuivre les responsables de ces crimes sauvages qui ont endeuillé les rwandais et les populations de la région des grands lacs. En lieu et place, les autorités rwandaises préfèrent plutôt narguer les victimes en gratifiant les présumés coupables de postes à hautes responsabilités. C’est le cas de la nomination indécente et perverse du général Sam Kaka le 13/02/2015 au poste de Commissaire des Droits de l’Homme au Rwanda alors qu’il est recherché par la justice française et espagnole pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. A l’époque des massacres de Kibeho et de Kasese, il était chef d’état-major de la nouvelle armée rwandaise.
Aujourd’hui, nous saisissons cette opportunité pour interpeller pour la nième fois les autorités rwandaises à éradiquer la culture d’impunité qui prévaut au Rwanda. Cette impunité est sans aucun doute une source de frustrations latentes qui entravent sérieusement le processus de réconciliation entre les rwandais.
En ce jour tristement historique, le peuple rwandais a besoin que la mémoire de ces victimes soit également commémorée et honorée en toute dignité. Les rwandais ont besoin également qu’une commission d’enquête indépendante établisse précisément et distinctement les responsabilités jusqu’au plus haut niveau du pouvoir qui a sans doute commandité ces massacres. Ensuite, que les présumés coupables, notoirement connus, soient traduits devant la justice pour permettre d’une part aux rescapés et aux proches des victimes de terminer leur deuil et d’une autre part entamer une nouvelle vie en étant libérés des traumatismes provoqués par ces expériences mortelles.
Pour ceux qui auraient perdu le souvenir de ces crimes de génocide, voici les témoignages sur le massacre de ces déplacés de guerre le 22/04/1995 à Kibeho au Rwanda et celui des réfugiés rwandais deux ans plus tard, jour pour jour, à KASESE en RDC.
· Article de l’historienne sociologue Madame Claudine Vidal, sur les massacres de KIBEHO commis entre le 18 et 22 avril 1995 par l’APR sur environ 100.000 déplacés de guerre, publié dans la revue « Les Temps Modernes n°627 » de Avril-Juin 2004. Pages 92 à 108.
· Extrait du témoignage de Monsieur Maurice NIWESE, tiré de son livre intitulé « Le peuple rwandais, un pied dans la tombe, récit d’un réfugié étudiant » et édité dans la Collection « Mémoires Africaines » chez l’Harmattan en 2001. Pages 159 à 162.
Fait à Bruxelles, le 22/04/2015
Joseph MATATA, Coordinateur
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