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Com080/2005 : Détournement et contrôle des « Gacaca » par les dignitaires du FPR

Sur base de témoignages accablants, le Centre recommande la suspension immédiate des juridictions GACACA, fausse alternative à la justice moderne, plutôt arme redoutable pour emprisonner de nombreux innocents.

Les tribunaux GACACA sont détournés, contrôlés et paralysés par les chefs militaires et politiques du FPR impliqués dans le génocide rwandais

D’après les déclarations de Madame Domitille MUKANTAGANZWA, secrétaire exécutive des juridictions GACACA, devant le Parlement rwandais à Kigali, plus de 650 personnes qui occupent aujourd’hui encore des postes de responsabilité, dont quelques députés aussi, seraient mises en cause par ces juridictions : « Nous connaissons trois députés qui ne se sont pas présentés à plusieurs reprises dans leur propre communauté où les cours de Gacaca veulent les interroger sur leur rôle dans le génocide » a-t-elle dit en invitant les suspects à affronter les accusations qui leur sont adressées par les cours populaires. « Les gens se plaignent car les leaders politiques ne répondent pas de leurs propres responsabilités » a-t-elle ajouté (dépêche Agence Misna du 17 mars 2005). Ces déclarations sont des menaces claires qui mettent en danger les derniers collaborateurs HUTU dont le Front Patriotique Rwandais (FPR) se servait encore pour camoufler sa politique d’apartheid.
D’après une dépêche de l’agence Hirondelle du 15 mars 2005, quatre vingt trois (83) personnes ont quitté la province frontalière de Gisenyi à l’Ouest du Rwanda craignant d’être mises en cause dans les procès communautaires Gacaca, a annoncé Domitille Mukantaganzwa devant les parlementaires en faisant le bilan des premières audiences de ces tribunaux. Selon elle, aucun chiffre de fuyards n’est parvenu de Ruhengeri (au nord), de Cyangugu (au sud-ouest), de Butare (au sud) ou de Kibungo (à l’Est du Rwanda). « Il y a aussi davantage de gens qui quittent ces provinces pour d’autres parties du pays ou personne ne les connaît. D’autres quittent leurs maisons (la journée) et y retournent tard dans la nuit » a-t-elle expliqué. Elle a demandé aux responsables d’informer leurs communautés que les fugitifs pouvaient être appréhendés n’importe où.
D’après les reportages de la BBC et de la Vox of America (VOA) diffusés le 21 septembre 2004, les enquêtes des juridictions GACACA montrent que dans les 118 secteurs où les Gacaca-pilotes ont déjà commencé, plus de 500.000 suspects du génocide ont été enregistrés. Selon les estimations officielles, quand les principales enquêtes seront clôturées par les tribunaux Gacaca, le nombre de personnes suspectées d’avoir pris part au génocide devrait être de 761.448. Selon les estimations du Service national des juridictions GACACA, la première catégorie (organisateurs du génocide, tueurs en série et suspects de violences sexuelles) représente 10% des suspects, la seconde (ceux qui ont tué ou blessé) représente 70% et la troisième (ceux qui ont volé ou pillé) représente 20%. Tous les tribunaux Gacaca peuvent émettre un mandat d’arrêt et mettre un suspect en détention et le libérer à titre provisoire (source Agence Hirondelle citée par Iwacu1.com du 16 mars 2005).
Ces déclarations, ces statistiques sur les fugitifs et ces estimations sur le nombre de suspects montrent à quel point les juridictions GACACA vont grossir le nombre des détenus au lieu de désengorger les prisons rwandaises déjà surpeuplées. Contrairement à la campagne des autorités rwandaises qui ont toujours présenté les GACACA comme une alternative à la justice moderne pour juger rapidement et équitablement des détenus qui croupissent en prison depuis bientôt 11 ans, les GACACA permettront de nouveaux emprisonnements arbitraires. Ce sont ces nouveaux emprisonnements arbitraires qui ont déclenché un mouvement de panique et une nouvelle fuite pour les rwandais.
Pour comprendre comment les juridictions GACACA ont été détournées de leurs objectifs pour servir d’instrument criminel dans les mains d’extrémistes tutsi, nous vous invitons à lire le témoignage d’un juge Gacaca rescapé tutsi (annexé au présent communiqué) qui dénonçait ce plan diabolique déjà en 2002. L’intéressé a fui le Rwanda après avoir été élu de force et refusé le rôle criminel que les agents de la Directorate of Military Intelligence (DMI) vont faire jouer à plusieurs juges GACACA. Notre Centre a transmis ce témoignage accablant pour la DMI à l’ancienne Vice-Présidente de la Cour Suprême chargée des juridictions GACACA, Madame Aloysie CYANZAYIRE, dans notre courrier du 1er juin 2002. La lettre et le témoignage du juge tutsi exilé ont été remis le 1er juin 2002 en mains propres à l’ancien Ministre rwandais de la Justice, Monsieur Jean de Dieu MUCYO, dans les locaux des Facultés Universitaires Saint Louis à Bruxelles où il était venu sensibiliser la diaspora rwandaise sur les juridictions GACACA (cette journée avait été organisée par la Communauté Rwandaise de Belgique dont les membres sont proches du Front Patriotique Rwandais –FPR-).
CONCLUSION :
Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda attire l’attention de toutes les personnes de bonne volonté sur l’impossibilité d’une justice équitable devant les tribunaux GACACA. Le Centre dénonce et condamne le projet criminel des extrémistes tutsi qui ont déjà noyauté les GACACA pour en faire des instruments de criminalité qui serviront à emprisonner arbitrairement de nombreux nouveaux innocents. Depuis le début de l’année 2000, notre Centre n’a jamais cessé de dénoncer ce projet machiavélique des extrémistes tutsi du Front Patriotique Rwandais (FPR) qui n’ont jamais cessé de paralyser la Magistrature Rwandaise tout en intensifiant des emprisonnements arbitraires. Les Institutions officielles de l’Etat Rwandais à savoir le Gouvernement, le Parlement, le Sénat et la Magistrature sont devenus des institutions de façade complètement contrôlées et paralysées par le « pouvoir occulte » détenu par la Junte Militaire du Général Paul KAGAME et le noyau dur des extrémistes tutsi. Les détenteurs de ce pouvoir occulte ou gouvernement parallèle n’ont aucune volonté politique de mettre en place une justice équitable et sereine pour toutes les victimes rwandaises. Ils ont d’abord neutralisé et opéré l’épuration ethnique et politique de l’appareil judiciaire en assassinant et en emprisonnant de nombreux magistrats honnêtes et courageux depuis septembre 1994. Ensuite, ils ont encouragé et organisé des emprisonnements arbitraires massifs pour constituer un stock humain qui constitue une sorte de réserve d’esclaves permanents et une autre forme de génocide car des milliers de détenus sont décédés ou portés disparus dans les prisons mouroirs du Rwanda. D’autres détenus ont disparus pendant de nombreux transferts et déportations entre les prisons mouroirs, les cachots communaux, les prisons secrètes de la DMI (Directorate of Military Intelligence) et de la police, les containers-cachots et les nombreux centres de torture comme le camp militaire de Kami (près de la Deutsche Welle à Kinyinya), les locaux de la DMI à Kimihurura, et le CID (Criminal Investigation Department) appelé « criminologie ». On ne saura jamais combien de rwandais sont morts, tués ou portés disparus pendant leur arrestation, au cours des interrogatoires ou pendant leur détention préventive.
RECOMMANDATIONS :
Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda recommande instamment :
– la suspension immédiate des juridictions GACACA tant qu’elles seront sous l’emprise des extrémistes tutsi et des agents de la DMI qui les ont noyautées depuis longtemps ;
– le rétablissement des anciens juges Gacaca intègres élus par la population mais dont les noms ont été ajoutés sur les listes des suspects du génocide par la DMI après leur élection en vue de les disqualifier et de les remplacer par juges coopératifs à leur projet criminel.
– la libération des personnes déjà emprisonnées arbitrairement par les GACACA dans plusieurs régions du pays.
– la mise hors d’état de nuire de tous les syndicats de délateurs constitués dans tout le pays ;
– à la population rwandaise de résister aux mensonges des syndicats de délateurs et des juges Gacaca corrompus par la DMI ou qui coopèrent à ce projet criminel. Que toutes les personnes de bonne foi osent réclamer la libération des personnes injustement jugées par les GACACA.
Pour le Centre, MATATA Joseph, Coordinateur.
(*) Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda est une association de défense des droits humains basée en Belgique, créée le 18 août 1995. Ses membres sont des militants des droits humains de longue date. Certains ont été actifs au sein d’associations rwandaises de défense des droits humains et ont participé à l’enquête CLADHO/Kanyarwanda sur le génocide de 1994. Lorsqu’ils ont commencé à enquêter sur les crimes du régime rwandais actuel, ils ont subi des menaces et ont été contraints de s’exiler à l’étranger où ils poursuivent leur engagement en faveur des droits humains.
Voici la traduction de notre lettre adressée à Madame Aloysie CYANZAYIRE le 1er juin 2002 et remis à l’ancien Ministre de la justice Jean de Dieu MUCYO en mains propres le 1er juin 2002 par le Coordinateur du Centre, MATATA Joseph, qui l’avait attendu à sa sortie des toilettes des Facultés Universitaires de Saint Louis à Bruxelles.
CENTRE DE LUTTE CONTRE L’IMPUNITE
ET L’INJUSTICE AU RWANDA
BP 2 – Molenbeek 4 Bruxelles, le 1er juin 2002.
1080 BRUXELLES – Tél/Fax:32.81/60.11.13
GSM: 0476.701.569
Depuis sa création le 18 août 1995, le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda a continué ses enquêtes sur les « syndicats de délateurs ». Ce Centre a collecté plusieurs témoignages sur ces syndicats qui ont été constitués en 1994 et qui sont soutenus et utilisés par certaines diverses autorités rwandaises. Nous avons publié notre premier communiqué le 8 mai 1996 destiné à mettre en garde tous les enquêteurs intéressés aux massacres commis au Rwanda. Il existe de nombreux documents et communiqués qui ont dénoncé ces « syndicats de délateurs ».
Aujourd’hui le 1er juin 2002 nous vous écrivons officiellement pour vous prier de mener une enquête sur ces syndicats qui s’apprêtent à saboter et perturber les tribunaux GACACA. Vous savez bien qu’au Rwanda, il existe certaines autorités extrémistes. Les tribunaux GACACA n’auront pas suffisamment de juges intègres parce que ce sont les personnes intègres qui ont été tuées ou emprisonnées en premier lieu. Ce vide a permis aux membres du FPR d’occuper seuls le terrain parce qu’ils se sont débarrassés de ceux qu’ils considèrent comme gênants. En réalité, nous nous demandons comment vous allez vous y prendre parce que les GACACA vont mal fonctionner comme le reste du système judiciaire.
Nous vous transmettons ce témoignage que nous avons choisi parmi d’autres que les juges Gacaca nous ont envoyés. Nous espérons qu’il vous ouvrira les yeux face à ceux qui se voilent la face en croyant que les GACACA seront un amusement. Puisque c’est vous le responsable, peut-être que vous trouverez un remède. Ce que nous vous promettons c’est de continuer à dénoncer et à condamner tout projet criminel semblable qui accable les rwandais.
Nous vous remercions d’avance pour les meilleures solutions que vous nous apporterez. Tous les rescapés ne sont pas d’accord pour servir « d’instruments » à ceux qui sont décidés de traiter les autres injustement. Nous vous souhaitons du bon travail. Ayez la paix.
MATATA Joseph
Coordinateur du Centre.
Copie pour information :
– Ministre de la Justice.
Traduction du témoignage d’un juge Gacaca rescapé tutsi exilé en Europe. Ce témoignage a été annexé à notre lettre adressée le 1er juin 2002 à Madame Aloysie CYANZAYIRE, Vice-Présidente de la Cour Suprême et Présidente des Juridictions GACACA en 2002 :
CENTRE DE LUTTE CONTRE L’IMPUNITE
ET L’INJUSTICE AU RWANDA
BP 2 – Molenbeek 4 Bruxelles, le 30 mai 2002.
1080 BRUXELLES – Tél/Fax:32.81/60.11.13
GSM: 0476.701.569
Depuis sa création le 18 août 1995, le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda a continué ses enquêtes sur les « syndicats de délateurs ». Ce Centre a collecté plusieurs témoignages sur ces syndicats qui ont été constitués en 1994 et qui sont soutenus et utilisés par certaines diverses autorités rwandaises. Ces syndicats ont pour mission d’aider ces autorités à trouver de « fausses accusations » contre toute personne dont elles veulent se débarrasser ou contre celle dont elles convoitent les biens. Cette stratégie criminelle vient de fonctionner pendant huit ans au Rwanda grâce aux rescapés tutsi qui acceptent volontairement ou qui sont forcés de servir « d’outils de l’extrémisme » à plusieurs autorités qui recourent à leurs services.
C’est parce qu’il est prévu d’utiliser ces « syndicats de délateurs » dans les procès GACACA, que notre Centre a décidé de publier ce témoignage d’un des rescapés (tutsi) qui dénonce comment les élections des juges GACACA cachent un autre projet criminel qui se prépare au Rwanda. Nous vous invitons à lire ce témoignage (Remarque: nous ne publions pas les noms et les lieux qui permettraient aux agents de la DMI (Directorate of Military Intelligence) d’identifier et de faire la chasse à nos témoins):
Le témoignage d’un juge Gacaca rescapé tutsi :
Depuis le mois de mai 2000 nous avons entendu les autorités rwandaises sensibiliser la population au sujet des tribunaux GACACA. A cette époque, puisqu’on parlait de l’éligibilité des anciens réfugiés rapatriés comme juges GACACA, il était très difficile pour le citoyen de s’imaginer quel serait le jugement ou le témoignage de la part d’une personne qui n’était pas au Rwanda en 1994.
Le moment est arrivé, et les élections des juges Gacaca eurent lieu. La première phase de ces élections consistait à choisir au moins une trentaine de personnes intègres élues par la population: ces 30 personnes intègres ou plus devaient élire parmi elles celles qui travailleront au niveau communal (district), au niveau du secteur et au niveau de la cellule. Pour l’élection de ces personnes intègres, chacun croyait qu’il s’agissait d’élire vraiment des personnes intègres; ce qui veut dire : une personne qui défend la vérité et qui n’est pas partisan, qui refuse toute malhonnêteté, bref une personne de bonne conduite, vie et moeurs.
Malheureusement, ce qui est triste et fait peur c’est que pendant ces élections, ce ne sont pas les personnes intègres qui ont été élues comme cela avait été prévu. A plusieurs endroits, ces élections ont été contrôlées par les conseillers de secteur et les responsables de cellule.
Pour mieux m’expliquer, je donne un exemple sur ce que j’ai vécu dans mon secteur. Il était prévu que ce sont les citoyens qui devaient fournir les candidats, mais nous avons vu le conseiller de secteur qui donnait des injonctions à quelqu’un en disant: « toi tu peux passer devant, n’est tu pas intègre? ». Selon leur arrangement, le conseiller s’adressait à la population en disant: « telle personne est intègre et nous devons l’élire ». Il est compréhensible que personne ne pouvait oser contrarier le Conseiller. Parmi les candidats présentés devant la population pour être choisis comme intègres, les hutu, les rescapés tutsi et les rapatriés étaient tous mélangés. Par exemple, là où je me trouvais, j’ai constaté que seuls ont été choisis les rescapés et les rapatriés (tutsi). L’on a ajouté quelques deux hutu qui ont été prévus comme témoins à charge seulement. Ceci, je vais l’expliquer plus bas.
Pour chaque candidat, la population était invitée à l’apprécier et à le critiquer avant qu’il puisse être qualifié d’intègre. Ici le constat est que ni l’appréciation ni les critiques n’ont pas été tenues en considération, parce seul le candidat favori des autorités locales était applaudi malgré les critiques émises par la population et auxquelles on accordait aucune valeur. Ici je donne un exemple du secteur « » un nommé «Y » a été choisi parmi les intègres et fut même élu jusqu’à l’échelon communal (district) malgré qu’il était considéré comme un délateur qui a fait emprisonner beaucoup de personnes innocentes. Il y en a même eu qui l’accusaient d’avoir tué lui aussi beaucoup de hutu innocents. Effectivement ces accusations étaient fondées puisque je le savais moi-même. Il fut emprisonné par le FPR en février 1995 parce qu’il avait tué des personnes qu’il avait enterrées au bord de la route (dans une rigole). Cet emprisonnement fut une mise en scène parce beaucoup de gens avaient été au courant de cette tuerie. Il passa une seule semaine au cachot et fut libéré malgré les familles des victimes qui pleuraient les leurs. C’est ici qu’il faut se demander si un tel candidat, sponsorisé et élu grâce aux autorités, sera capable de jouer le rôle d’un juge Gacaca intègre. Comment va-il juger? Comment la population pourra-t-elle accepter le verdict qu’il pourrait prononcer? Sera-t-il correct? Ce candidat est un hutu dont la mère est une rescapée tutsi.
Un autre exemple c’est celui d’une femme nommée Z….Elle est l’épouse d’un homme appelé  N ….. Son époux N… est emprisonné dans la prison de P…sous l’accusation de génocide. Ce N…, j’ignore s’il a tué ou non, mais ce qu’on constate c’est que son épouse Z… est une hutu sponsorisée et élue grâce au Conseiller pour témoigner à charge contre les hutu au niveau de notre secteur « X ». Il est connu que cette femme est terrorisée par des responsables du FPR de telle sorte qu’elle est toujours en train de leur faire la cour pour tenter de survivre alors qu’elle n’a rien à se reprocher.
Un autre exemple c’est mon propre cas: Moi j’ai été sponsorisée par des agents de la DMI en civil appuyés par le Conseiller de mon secteur et le responsable de ma cellule. J’ai été sponsorisée comme une tutsi qui a vu beaucoup et résolue à dire la vérité. Ainsi, je devais témoigner à charge contre les habitants de notre secteur …. (alors que je ne les connais pas puisque je n’y pas vécu depuis mon enfance) … que j’ai vu tuer et piller….. En réalité je leur avais expliqué (à ceux de la DMI et au conseiller) que j’étais venu dans ce secteur pendant mes vacances. En effet, les massacres ont débuté dans cette région une semaine seulement après mon arrivée. Dès lors, je ne connaissais pas les habitants de ce secteur et même pour ceux que je connaissais de visages, je ne connaissais pas encore leurs noms. En outre, pendant le génocide, je me suis cachée dans la brousse, et lorsque je suis arrivée chez « F…. » je ne pouvais connaître que ces proches qui vivaient dans la maison où ils m’ont cachée (j’avais été débusquée dans les buissons et je fus protégée par une vieille dame qui m’a confondue avec un autre enfant hutu. Par après, elle s’est rendue compte de son erreur mais continua à me cacher). Tous ces bienfaiteurs qui m’ont cachée ont tous été massacrés par les soldats du FPR qui ont conquis cette région. Sur quelle base pouvais-je jouer le juge dans les tribunaux GACACA?
Un autre fait très inquiétant: Après notre élection, le moment des formations est arrivé. Durant ces formations, la politique et la stratégie du FPR occupèrent la plupart des leçons. En plus des entraînements militaires qui nous ont été données comme dans tous les camps de solidarité (ingando) organisés dans tout le pays. Les jours consacrés aux entraînements militaires, nous commencions par la course dès l’aube. Quand quelqu’un n’arrivait pas à tenir le coup, il pouvait être battu. Lorsque des visiteurs extérieurs venaient visiter nos camps de formation GACACA, les équipements militaires devaient être cachés. Mais partout où furent organisés les camps de formation GACACA, il y avait toujours des agents de la DMI (ceci je le dis en connaissance de cause, car je me suis informée auprès d’autres collègues élus dans les communes voisines à la notre et qui m’ont confirmée la présence de la DMI). Ces agents de la DMI se présentaient comme des stagiaires comme nous et prétendaient dépendre de « tel ou tel service » mais ils avaient une mission spécifique. Nous avons constaté leur mission lorsqu’ils se sont appliqués activement à identifier les rescapés du génocide et les hutu qui étaient en stage. S’informer sur ceux qui n’apprécient pas le FPR et chercher ceux qui seront « utilisés ». C’est dans ce cadre qu’ils utilisaient tous les moyens possibles pour rencontrer ceux qu’ils étaient venus chercher évidemment (les rescapés tutsi du génocide et les hutu terrorisés) pour nous parler de ce qu’ils attendaient de nous en nous expliquant que nous étions contraints de l’accepter sinon que nous pouvions même mourir.
Pendant les deux semaines que j’ai passées dans ces formations GACACA, nous apprenions la politique et la stratégie du FPR, et nous recevions des entraînements militaires. Pour ce qui concerne les lois ou la formation liée au GACACA, je suis rentrée sans en avoir reçu d’autant plus que ni les juristes ni les magistrats, personne n’était venu nous former. Ce que je pourrais dire encore que nous avons fait, c’est que pendant ces jours que j’ai passé là-bas, nous avons eu beaucoup de discussions sur le fait que les rescapés du génocide n’étaient pas les mieux indiqués pour siéger dans les tribunaux GACACA. Il y a des rescapés qui disaient ceci : « nous, nous avons survécu parce que nous nous étions cachés dans la brousse ou chez des bienfaiteurs Hutu qui avaient accepté de nous cacher et de nous nourrir pendant ces jours de massacres. En réalité lorsque tu te caches tu ne peux pas observer ou savoir ce qui s’est passé ci et là dans la région où tu résidais ou dans celle où tu te cachais. Nous qui étions cachés nous n’avons rien vu sauf ce qui nous a été rapporté au sortir de notre cachette. Les hutu intègres, qui n’ont pas participé aux massacres, sont les seuls qui ont pu assister au déroulement des massacres et aux pillages imputables aux interahamwe (miliciens hutu). Ce sont eux qui peuvent bien mener des procès équitables. Sur base de quoi, nous en tant que rescapés, pouvons-nous mener des procès GACACA? »
Il y a des rescapés qui ont dit : « nous constatons que des anciens rapatriés d’Uganda, du Congo ou Burundi ont été élus, comment vont-il juger des faits qui ont eu lieu pendant leur absence du Rwanda? ».
A toutes ces questions que nous avons posées, nous avons reçu une réponse qui fait peur. Certains de nos formateurs en politique et en stratégie du FPR nous ont répondu dans ces termes: « ce qui est important, on vous demande d’accuser les hutu de meurtres, c’est cela que nous attendons de vous. Pour ce qui concerne les hutu innocents, ça ne fait rien puisque les tutsi massacrés étaient des innocents. Cela veut dire que pour les hutu le temps de subir l’injustice est arrivé, on n’y peut rien ».
Je termine mon témoignage en posant les questions suivantes :
– Je constate que nous avons été sponsorisés par force en tant que rescapés, on nous demande de juger des personnes selon les instructions des agents de la DMI, des conseillers ou d’autres membres du FPR, qui va nous juger lorsqu’il sera établi que nous avons traité injustement des personnes innocentes?
– Est-ce que nous ne risquons pas de voir ces agents de la DMI et ces conseillers de secteurs se retourner contre nous pour nous demander des comptes sur les crimes qu’ils nous ont obligés à commettre?
– Et si tout cela était une stratégie des autorités rentrées d’exil qui consisterait à nous forcer d’exterminer des innocents avant de nous exterminer à notre tour sous prétexte de nous sanctionner parce que nous avons maltraité des innocents? Ne risquons-nous pas de subir le sort réservé au Président Pasteur BIZIMUNGU alors qu’il a respecté les injonctions et les instructions données par Kagame.
Récemment j’ai entendu dire qu’il y a un hutu étranglé par des malfaiteurs qui l’en voulaient parce qu’il avait été élu pour les GACACA alors « qu’on le soupçonnait de ne pas servir leurs intérêts » comme ils le souhaitent. Quel sort nous réserve-t-on nous les rescapés?
Je demande à la Présidente des juridictions GACACA de me répondre par la voie qu’elle jugera la meilleure.
Recueilli et retranscrit par le Coordinateur du Centre, MATATA Joseph.