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Com085/2005 : Elimination d’un fidèle « Hutu de service », le Général Munyakazi

Le CLIIR énonce et condamne la politique d’exclusion et de discrimination exercée par Paul KAGAME, contre ses plus fidèles collaborateurs « hutu de service ».

Le président rwandais Paul KAGAME élimine l’un de ses derniers fidèles collaborateurs « Hutu de service »

Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda (CLIIR)* dénonce et condamne la politique d’exclusion et de discrimination exercée par le Président Rwandais, le Général Paul KAGAME, contre ses plus fidèles collaborateurs « hutu de service ». En effet, depuis sa prise de pouvoir au Rwanda, les chefs militaires et politiques du parti-Etat qu’est devenu le Front Patriotique Rwandais (FPR) se sont progressivement débarrassés de leurs plus fidèles collaborateurs « Hutu de service ». Le dernier sur la longue liste de leurs victimes est le Général Laurent MUNYAKAZI, un ancien Lieutenant Colonel Hutu des anciennes Forces Armées Rwandaises (FAR) qui avait naïvement cru en sa longue amitié avec plusieurs officiers du FPR dont notamment le Général KARENZI KARAKE, chef de la Directorate of Military Intelligence (DMI) tout au début du règne FPR. Ce dernier a travaillé avec MUNYAKAZI dans les observateurs du GOMN (Groupe d’Observateurs Militaires Neutres) mis en place par l’OUA avant son remplacement par la Mission des Nations-Unies au Rwanda (MINUAR I). Les deux généraux du FPR, MUNYAKAZI Laurent et  KARENZI Karake se sont retrouvés dans la MINUAR I où ils représentaient respectivement les FAR et le FPR.

1) La carrière militaire du Général Laurent MUNYAKAZI :

Le Général Laurent MUNYAKAZI est né en 1954 dans le secteur Bugerero, commune Kinihira, préfecture Byumba au Rwanda. Il a fait ses études secondaires à Byumba puis à Musanze (Ruhengeri). Il a clôturé sa formation de militaire à l’Ecole Supérieure Militaire de Kigali. Sa carrière militaire peut se résumer comme suit :

       Officier de la 14ème promotion des officiers FAR, il a fait sont école supérieure militaire de 1973 à 1977. On venait de réduire la formation des officiers à 3 ans au lieu de 4 ans.

       De 1977 à 1978, les officiers de la 14ème promotion furent envoyés à Katakoli dans l’ex-Zaïre (RDC) pour une formation de para-commando d’une année.

       De 1978 à 1990, il a occupé plusieurs fonctions au sein de la gendarmerie. Il a été affecté au Garage puis à la Régie des Bâtiments militaires lors de la construction du camp de gendarmerie de KACYIRU à Kigali.

       Entre 1985 et 1990, il a occupé successivement le poste de directeur de la Police communale au Ministère de l’Intérieur. Ensuite, il a été réaffecté à la Gendarmerie où il a commandé la Brigade de la Sécurité routière chargée du trafic routier et de la délivrance des permis de conduire.

       En octobre 1990 tout au début de la guerre déclenchée par le FPR, il a réussi à éviter son affectation sur le front du nord. On envoya à sa place l’actuel Général de Brigade RWARAKABIJE qui était major à cette époque.

       Il a fait partie d’une commission de triage qui a libéré ceux qu’on a appelé à l’époque « les complices du FPR » qui avaient été victime des rafles généralisées qui ont été opérées par le régime du président Juvénal HABYARIMANA dès le déclenchement de la guerre le 1er octobre 1990.

       De 1991 à 1994, il a fait partie des différentes forces d’observation mises en place d’abord par l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) et ensuite par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Il a d’abord fait partie du (Groupe d’Observateurs Militaires Neutres) mis en place par l’OUA. Ensuite il a fait partie de la MINUAR 1 mis en place par l’ONU. Que ce soit au GOMN ou à la MINUAR, il a su lier une amitié solide avec son compatriote du FPR, le Colonel KARENZI Karake qui n’a pas manqué de lui soutirer de précieux renseignements sur les moyens matériels et humains des adversaires du FPR qu’étaient les FAR. Sinon, il n’aurait pas resté longtemps dans les deux missions d’observation lorsqu’on connaît les méthodes expéditives des chefs militaires tutsis du FPR qui savent éliminer tous ceux qui leur résistent.

       Lorsque certains officiers originaires de Gisenyi ont voulu lui prendre sa place, le Colonel Laurent MUNYAKAZI a été soutenu par l’ancien Gouverneur de la Banque Nationale du Rwanda (BNR) qui est originaire de sa région natale. 

       Après l’assassinat du Chef de l’Etat, le président Juvénal HABYARIMANA, le Lieutenant Colonel MUNYAKAZI fut chargé de la protection des populations civiles dans la ville de Kigali. Il avait sous ses ordres une poignée de gendarmes qui n’ont pas pu résister à l’assaut des centaines de miliciens enragés Interahamwe qui ont fait la chasse aux tutsi considérés comme des complices des rebelles tutsi du FPR. Tous les gendarmes avaient été réquisitionnés pour aller combattre les rebelles tutsis du FPR qui avançaient rapidement sur tous les fronts. D’après les estimations de l’ancien Chef d’Etat major de la gendarmerie, le Général Augustin NDINDIRIYIMANA, les gendarmes chargés de la protection des civils menacés n’ont jamais dépassé 120 hommes pour tout le pays.

2) Un mariage de raison qui a duré près de 14 ans :

En juillet 1994, le Lt colonel MUNYAKAZI a fui comme tous les ex-FAR et s’est retrouvé à BUKAVU au sud-Kivu congolais. En février 1995, le Colonel KARENZI Karake a dépêché un émissaire spécial qui s’est rendu à BUKAVU (dans l’Est de la République Démocratique du Congo) pour ramener son ami et collaborateur MUNYAKAZI Laurent après le débâcle des ex-FAR en juillet 1994. A cette époque, le FPR avait besoin de jouer son cinéma d’intégrer quelques ex-FAR pour pouvoir jouer la « carte unité et réconciliation » qui lui permettait d’obtenir les aides extérieures.

MUNYAKAZI avait fait l’objet d’une enquête interne de la Directorate of Military Intelligence (DMI) qui l’avait évalué comme un élément sain à récupérer et à utiliser comme « hutu de service ».

En février 1995, il passa par le Kenya où il fut reçu par le chargé d’affaires du Rwanda à Naïrobi. L’ambassade rwandaise se chargea de lui payer les frais de séjour et le billet d’avion. Son arrivée à Kigali fut signalée par une manifestation des extrémistes radicaux de l’Association des rescapés tutsis du génocide qui voyaient d’un mauvais œil la réintégration dans l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) d’un Lieutenant colonel Hutu. La DMI du intervenir pour mâter cette manifestation et expliqua à ces rescapés que le FPR avait besoin de jouer le cinéma réconciliation et que cet officier était innocent d’après l’enquête de la DMI. En effet, le Lieutenant Colonel MUNYAKAZI n’a jamais cessé de monter de grade comme les officiers tutsi du FPR jusqu’à son grade actuel de Général Major au sein des Forces Rwandaises de Défense (FRD).

3) Son arrestation comme tout « Hutu de service » devenu inutilisable :

En effet, le Général de Brigade Laurent MUNYAKAZI a été arrêté lundi le 5 septembre 2005 suite à une prétendue « décision du tribunal GACACA de la cellule UBUMWE du secteur RUGENGE dans le district de Nyarugenge dans la Ville de Kigali ». Selon sa stratégie habituelle utilisée pour se débarrasser de ses collaborateurs devenus encombrants ou inutilisables, le président rwandais, le Général Paul KAGAME, a congédié son plus fidèle collaborateur, le Général major Laurent MUNYAKAZI, en le livrant à ses « syndicats de délateurs » qui se déchaînent devant leur nouvelle tribune que sont devenus les tribunaux GACACA. 

Son arrestation a été rapportée par les médias nationaux et internationaux. D’après une dépêche de l’Agence MISNA du 6 septembre 2005, « Un des tribunaux populaires ‘Gacaca’ – qui épaulent la magistrature ordinaire dans les cas relatifs au génocide de 1994 – du district de Rugenge (Rwanda) a mis aux arrêts un général de l’armée rwandaise en raison de son implication présumée dans des massacres commis il y a 11 ans. La nouvelle a été rapportée par des sources de presse internationales, en précisant que le général Laurent Munyakazi a été retenu lundi le 5 septembre 2005 puis transféré d’urgence à Kigali, où il devra affronter la Cour martiale. Le ‘Gacaca’ aurait en effet recueilli des preuves écrasantes à son encontre relatives à sa participation aux massacres dans les églises de la Sainte Famille et de la Chapelle Saint Paul, dans le district de Rugenge. L’arrestation a été justifiée par la tentative du haut officier “d’intimider les témoins” et “éliminer les preuves” En 1994, Munyakazi était lieutenant colonel de l’armée et a été indiqué par les habitants locaux comme le principal responsable des massacres que le district ait connu.».

Selon le scénario devenu classique depuis le lancement généralisé dans tout le pays des tribunaux GACACA le 10 mars 2005, c’est le Président du tribunal GACACA de la Cellule UBUMWE, Monsieur Raymond KALISA, qui a annoncé l’arrestation du Général MUNYAKAZI Laurent sur les antennes de la télévision rwandaise (TVR) pendant les informations de 19h. Le Général MUNYAKAZI, qui était chargé de la protection civile dans la ville de Kigali en avril 1994, est accusé d’être impliqué dans les enlèvements de réfugiés tutsis de la paroisse Sainte Famille à Kigali opérés par les miliciens Hutu interahamwe.

Madame Domithilla MUKANTAGANZWA, Secrétaire Générale du Service National des Juridictions GACACA (SNJG), a confirmé cette arrestation pour crimes de guerre.

4) Pourtant le Général MUNYAKAZI a accompli son travail avec les maigres moyens disponibles :

A la paroisse Sainte Famille, les gendarmes sous les ordres de Munyakazi se sont battus contre les interahamwe et contre les commandos du FPR qui y ont fait des incursions. Il y a eu des morts parmi ces gendarmes et cela on n’en parle pas.

C’est avec encore avec une conscience tranquille que le Lieutenant Colonel Munyakazi a rejoint l’APR après sa victoire militaire. Ses contacts antérieurs avec les Officiers de l’APR et son attitude positive pendant le génocide ont facilité son intégration dans l’APR en témoignent les promotions qu’il a eus dans l’APR et les fonctions successives qu’il a occupées jusqu’à ce jour :

       Les gendarmes sous les ordres de Munyakazi ont tenté de protéger, avec leurs maigres effectifs, les 18.000 déplacés tutsi et hutu réfugiés dans les locaux du Centre Pastorale Saint Paul, dans ceux de la Paroisse et dans les classes de l’Ecole primaire de la Sainte Famille au centre ville de Kigali.

       Selon de nombreux témoins oculaires, dans des conditions très difficiles et à ses risques et périls, le Lieutenant Colonel MUNYAKAZI a évacué plusieurs personnes menacées de la paroisse Sainte Famille à l’Hôtel des Milles collines. Les personnes qu’il a sauvées ont peur de témoigner en sa faveur aujourd’hui par peur des représailles de la DMI qui persécute tout témoin à décharge qui ose défendre un hutu injustement arrêté.

5) CONCLUSION :

L’arrestation du Général Munyakazi fait partie d’un plan qui vise tous les officiers ex-FAR ayant intégré l’APR, ces officiers sont des témoins gênants qu’il faut à tout prix empêcher de parler un jour. Munyakazi n’a-t-il pas participé malgré lui aux opérations et aux massacres de représailles contre les populations de Ruhengeri et de Gisenyi accusés sans preuve de collaborer avec les rebelles hutu (les infiltrés=abacengezi) ? Si on avait estimé qu’il avait failli à son devoir, il n’aurait pas été promu et affecté aux plus hauts commandements de l’armée.

Un autre ancien officier des ex-FAR, le Lieutenant Colonel Cyriaque HABYARABATUMA a été arrêté le 06/02/2004 par un tribunal GACACA de sa région natale: En effet, le 6 février 2004 le commissaire Général adjoint de la Police Nationale chargé alors des questions juridiques, le Lieutenant Colonel Cyriaque Habyarabatuma a été arrêté. Il est actuellement incarcéré à la prison centrale de Karubanda à Butare Selon les autorités judiciaires, il serait suspecté d’actes de massacres à grande échelle et de génocide commis dans la province de Butare. Ces actes comprendraient notamment l’assassinat, l’association ou la formation d’associations de malfaiteurs, la distribution d’armes à feu, etc. (d’après le journal gouvernemental IMVAHO nshya n°1536 du 16-22 février 2004).

Pourtant le Lieutenant Colonel Habyarabatuma avec le préfet Habyarimana J.Baptiste, assassiné en 1994, ont toujours été considérés comme des personnes qui ont protégé la province de Butare. Le génocide n’a pu commencer que deux semaines après les autres provinces, juste après la mutation du Lieutenant colonel Habyarabatuma et l’assassinat du préfet.

Les véritables raisons de son emprisonnement sont politiques car on le soupçonne qu’il ne soutient pas la politique de terreur du régime Kagame, surtout après la fuite et l’exil en Suisse de ses trois anciens collègues des ex-FAR. Ces derniers se sont enfuis le 30 mars 2003 : Le Général Major Habyarimana Emmanuel, le Colonel Ndengeyinka Balthazar, le Lieutenant Ndayambaje Alphonse

Les premières arrestations et emprisonnements arbitraires des militaires “intégrés” dans l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) ont commencé le 7 Février 1995 (soit 15 jours après les “premières et fameuses cérémonies d’intégration” du 25 janvier 1995 à Gako au Bugesera), plus de 110 militaires FAR furent enlevés du Camp militaire de GAKO (préfecture de Kigali-rural, au Bugesera dans le Sud-Est du Rwanda) et conduits vers une destination inconnue jusqu’au 19 février 1995. Il s’agissait de plus ou moins 30 officiers et sous-officiers et de 80 soldats des ex-FAR dont les épouses n’arrivaient plus à retrouver leurs traces, malgré leurs interventions auprès des autorités militaires et civiles.

            Le 19 Février 1995, les épouses des militaires FAR disparus ont décidé d’alerter les Associations locales des droits de l’homme. Après plusieurs recherches, les militaires disparus furent localisés dans la prison de RILIMA (située à +/- 15 km du camp Gako) vers le 24 février 1995, suite à une descente d’une mission d’enquête du CLADHO (Collectif des Ligues et Associations des Droits de l’Homme au Rwanda) dans le Bugesera. Lorsque la Délégation du CLADHO se présenta le 24 février 1995 au Camp militaire de Gako et à la Prison de Rilima, les responsables militaires et pénitentiaires ont évité tout contact avec la dite délégation en prétendant qu’ils sont “en déplacement”. La délégation n’a pas pu non plus rencontrer leurs adjoints “qui ont prétendu être absents” à leur tour. Cette fuite de responsabilité s’expliqua par après, lorsqu’il devint clair que plusieurs de ces militaires étaient détenus sans “enquêtes et dossiers judiciaires” jusqu’aujourd’hui (Voir notre Dossier du 14/04/1999: Plusieurs militaires ex-FAR ont été tués, portés disparus, emprisonnés sans enquêtes et sans dossiers judiciaires et souvent victimes de machinations.

Le Centre recommande la libération immédiate du Général Laurent MUNYAKAZI, celle des Lieutenant Colonel Cyriaque HABYARABATUMA et Colonel Stanislas BISERUKA ainsi que celle d’autres militaires ex-FAR emprisonnés arbitrairement depuis plus de 10 ans.

Fait à Bruxelles, le 25 octobre 2005

Pour le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda

Matata Joseph, Coordinateur