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Com100/2006 : 21 novembre, journée contre l’impunité et le mensonge au Rwanda

Comme l’a noté l’ex-ministre Juvénal Uwilingiyimana dans la lettre laissée peu avant son assassinat, le Centre rappelle que la lutte contre la culture de l’impunité et du mensonge sera un facteur de réconciliation.

Le 21 novembre de chaque année est proposé « Journée de lutte contre la Culture de l’impunité et du mensonge au Rwanda »

Considérant que celui qui veut s’assurer l’impunité commence par cultiver le mensonge et l’imposer, par tous les moyens, dans l’opinion publique ;
Considérant que celui qui ment est motivé par sa volonté de cacher quelque chose comme le disait le patron de presse Lord NORTHCLIFFE en 1903 : « Quelque part, quelqu’un cache quelque chose. Là se situe l’information, tout le reste n’est que de la publicité » (cité par Kristina Borjesson dans « Media Control », éd. Les arènes 2006) ;
Considérant que l’impunité et le mensonge sont devenus deux fléaux parmi tant d’autres maux qui affectent la société rwandaise ;
Considérant que la culture du MENSONGE a des racines qui remontent politiquement au temps de la monarchie Tutsi et a été déjà dénoncée en 1958 par un prêtre Tutsi, l’Abbé Stanislas Bushayija, curé de la paroisse de Kamonyi. Dans son article intitulé «Aux origines du problème Bahutu au Rwanda»1, on lit notamment :
«A vrai dire, les principes d’équité que les Belges voulaient faire prévaloir dans le domaine de la justice, de la propriété, de la liberté et des droits de la personne humaine quelle qu’elle fût, déroutèrent le Mututsi et le firent douter de la finesse de l’Européen. Celui-ci lui parut plus un technicien, une sorte de magicien qu’un diplomate, comme le prouvent les expressions kinyarwanda encore courantes : Abazungu ntibazi ubwenge (les Européens ne sont pas malins). Si le Mututsi reconnaît à l’Européen ses compétences dans le domaine technique, – électricité, physique, mathématique, etc., – s’il lui reconnaît l’intelligence du livre (ubwenge bwo mu gitabo), il déplore son absence de finesse d’esprit. Savoir travestir la vérité, donner le change sans éveiller le moindre soupçon est une science qui fait défaut à l’Européen et que le Mututsi est fier de posséder. Le génie de l’intrigue, l’art du mensonge sont à ses yeux des arts dans lesquels il s’enorgueillit d’être fort habile : c’est là le propre du Mututsi et, par contagion et par réflexe de défense, de tout Munyarwanda ».
Considérant que le 21 novembre 2005, l’ancien ministre rwandais Juvénal UWILINGIYIMANA a disparu après avoir écrit une lettre au procureur du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) datée du 5 novembre 2005 et dans laquelle il dénonce l’impunité assurée à ceux qui ont déclenché le génocide et dans laquelle il refuse de mentir et qu’il l’a écrit dans ces termes :
«Je ne veux pas mentir pour faire plaisir aux enquêteurs et donner du crédit à votre thèse selon laquelle le génocide rwandais a été planifié par le MRND et l’AKAZU restreint et élargi. Je suis prêt à supporter toutes les conséquences telles qu’elles m’ont été précisées par les enquêteurs TREMBLAY et DELVAUX : je serai lynché, écrasé, mon cadavre sera piétiné dans la rue et les chiens me pisseront dessus (propres termes des enquêteurs).
Monsieur le procureur, ceux qui ont planifié et mis en œuvre à partir du 1er octobre 1990 le génocide du peuple rwandais sont connus, ceux qui ont assassiné le président Habyarimana Juvénal et plongé le Rwanda dans l’horreur sont connus et ce sont les mêmes qui ont planifié et exécuté le génocide du peuple congolais.
Dans ma lettre du 06 avril 2005, deuxième rappel de ma plainte, j’attirais votre attention sur le fait que l’impunité a toujours été et sera toujours un facteur d’instabilité, elle n’a jamais été et ne sera jamais un facteur de réconciliation ni au Rwanda ni ailleurs ».
Considérant que le juge BRUGUIERE vient de lancer neuf mandats d’arrêt internationaux contre des officiers supérieurs du Front Patriotique Rwandais (FPR) accusés d’avoir préparé et fait exécuter l’attentat terroriste du 6 avril 1994 qui a déclenché le génocide rwandais ;
Considérant que la culture du MENSONGE est imposée au peuple rwandais comme un « nouveau mode de vie » notamment dans les procès GACACA où des milliers d’innocents sont condamnés arbitrairement, et sans aucune chance de se défendre, à des peines très lourdes pouvant atteindre 30 ans de prison ;
Considérant que tous les rwandais de l’intérieur et ceux de la diaspora doivent être sensibilisés à la lutte permanente contre la culture du mensonge qui consolide l’impunité dans la société rwandaise ;
Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda (CLIIR)* propose à tous les leaders de la Société Civile Rwandaise de l’intérieur et de la Diaspora, à ceux de toutes les confessions religieuses et à tous les leaders des partis politiques rwandais de mettre dans leurs programmes prioritaires, un volet de sensibilisation à la lutte contre la culture de l’impunité et du mensonge. Deux fléaux qui gangrènent et paralysent la société rwandaise.
Le CLIIR propose que le 21 novembre de chaque année soit célébrée comme une journée nationale de lutte contre la Culture de l’impunité et du mensonge.
Fait à Bruxelles, le 21 novembre 2006
Pour le Centre, MATATA Joseph, Coordinateur.
Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda est une association de défense des droits humains basée en Belgique, créée le 18 août 1995. Ses membres sont des militants des droits humains de longue date. Certains ont été actifs au sein d’associations rwandaises de défense des droits humains et ont participé à l’enquête CLADHO/Kanyarwanda sur le génocide de 1994. Lorsqu’ils ont commencé à enquêter sur les crimes du régime rwandais actuel, ils ont subi des menaces et ont été contraints de s’exiler à l’étranger où ils poursuivent leur engagement en faveur des droits humains.
UWILINGIYIMANA Juvénal Bruxelles, le 05 novembre 2005
Rue Moretus, 4
1070 Anderlecht/Bruxelles.
A Monsieur le Procureur près le Tribunal Pénal
International pour le Rwanda
P.O.Box 6016 Arusha / Tanzanie
Objet : Collaboration avec le TPIR
Monsieur le Procureur,
Je me suis entretenu à plusieurs reprises avec les représentant du TPIR que vous avez dépêchés à savoir : Richard RENAUD, directeur des enquêtes, Stephen RAPP, chef des poursuites, Rejean TREMBLAY, enquêteur, André DELVAUX, enquêteur ; vous m’avez vous-même reçu fin octobre 2005.
Il m’a été demandé au départ si j’étais disposé à donner ma contribution pour faire éclater la vérité sur le drame rwandais, j’ai répondu positivement avec enthousiasme mais plus tard quand il a été question d’entrer dans le vif du sujet, monsieur TREMBLAY m’a d’abord lu l’acte d’accusation que vous avez rédigé en mon encontre. Je vous épargne les détails des propos qui s’en sont suivis pour arriver à votre exigence : je dois vous aider à démolir (propre terme des enquêteurs) monsieur ZIGIRANYIRAZO Protais et tous les membres de l’AKAZU dont sa sœur Agathe, démolir la tête du MRND à savoir NGIRUMPATSE Mathieu, KAREMERA Edouard et NZIRORERA Joseph comme BAGARAGAZA Michel vient de le faire ; un homme dont les enquêteurs ne cessent de vanter les mérites et l’honnêteté !
Je ne veux pas mentir pour faire plaisir aux enquêteurs et donner du crédit à votre thèse selon laquelle le génocide rwandais a été planifié par le MRND et l’AKAZU restreint et élargi. Je suis prêt à supporter toutes les conséquences telles qu’elles m’ont été précisées par les enquêteurs TREMBLAY et DELVAUX : je serai lynché, écrasé, mon cadavre sera piétiné dans la rue et les chiens me pisseront dessus (propres termes des enquêteurs).
Monsieur le procureur, ceux qui ont planifié et mis en œuvre à partir du 1er octobre 1990 le génocide du peuple rwandais sont connus, ceux qui ont assassiné le président Habyarimana Juvénal et plongé le Rwanda dans l’horreur sont connus et ce sont les même qui ont planifié et exécuté le génocide du peuple congolais.
Dans ma lettre du 06 avril 2005, deuxième rappel de ma plainte, j’attirais votre attention sur le fait que l’impunité a toujours été et sera toujours un facteur d’instabilité, elle n’a jamais été et ne sera jamais un facteur de réconciliation ni au Rwanda ni ailleurs.
Monsieur le procureur, les déclarations de BAGARAGAZA Michel recueillies par l’enquêteur TREMBLAY témoignent de l’état d’esprit d’une personne qui n’est plus elle-même depuis ses déboires financiers de 1998 et qui dit oui à toutes les propositions de réponse de monsieur TREMBLAY visant à démolir les personnes désignées d’avance. Pour votre information, l’armée rwandaise a disposé depuis les années 1960 d’un camp et d’un domaine militaires en plein parc de l’Akagera, elle n’avait pas besoin d’être autorisée par l’Office du Tourisme et des Parcs Nationaux pour faire ses entraînements ou entraîner qui elle voulait ; tout comme le FPR n’a pas eu besoin d’autorisation de l’Office pour déclencher la guerre et s’installer dans le parc de l’Akagera.
A travers l’acte d’accusation mi m’a été lu, l’enquêteur DELVAUX me prête des capacités de dédoublement que je n’ai jamais possédées, deux officiers de la MINUAR peuvent témoigner de mon séjour à l’hôtel ITUZE de Cyangugu en avril 1994 ; je ne cite que ces deux là puisque pour vos enquêteurs, les témoins Hutu ne sont pas fiables.
Pour monsieur TREMBLAY, je suis un imbécile parce que j’ignore que monsieur NYANDWI Charles était le président des interahamwe de Kigali Rural ; je suis un imbécile parce que j’ignore que KARERA François et les interahamwe de NYANDWI contrôlaient toute la préfecture de Kigali Rural pendant le génocide ; je suis un imbécile parce que j’ose dire que je n’était pas à KAYOVE, ma commune natale que j’ai osé porter plainte contre les chefs militaires du FPR pour l’extermination d’une partie de ma famille. Malgré mes deux rappels, cette plainte est restée sans suite depuis bientôt dix ans.
Ce n’est ni par l’intimidation, ni par les leçons apprises par cœur de NKUBITO et de SERUSHAGO, ni par les déclarations sous pression de BAGARAGAZA Michel ou le C.V. fleuve de ZIGIRANYIRAZO Protais que vous allez découvrir la vérité et d’ailleurs la vérité vous la connaissez mais elle gêne ceux qui vous payent. Un jour les langues se délieront et l’histoire ne vous oubliera pas, vous et votre équipe.
J’ose espérer, Monsieur le procureur, que cet appel touchera le fond de votre conscience et que tous les dossiers seront traités dans la totale impartialité, que vos enquêteurs vont enfin bouger et ne plus se contenter des déclarations de délateurs payés par le gouvernement du FPR.
UWILINGIYIMANA Juvénal.
Sé/
1  Abbé Stanislas Bushayija, «Aux origines du problème Bahutu au Rwanda», in Revue Nouvelle, Tome XXVIII, N° 12 de décembre 1958, pp. 594-597