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Com110/2007 : Léonidas NSHOGOZA, enquêteur du TPIR, face à la délation

Un faux procès pour M. NSHOGOZA, confronté à la Loi « Génocide » et à la «délation institutionnalisée» au plus haut niveau de l’Etat Rwandais, alors qu’il travaille pour un procès équitable en faveur de l’Abbé Emmanuel RUKUNDO.

Un faux procès pour Léonidas NSHOGOZA, un enquêteur du TPIR confronté aux «  syndicats de délateurs  » créés, protégés et entretenus par le régime FPR depuis 13 ans.

Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda (CLIIR) demande aux différents responsables de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et des grandes puissances qui soutiennent le régime de Kigali (dominé par le Front Patriotique Rwandais (FPR), d’exiger la libération immédiate et sans conditions de Maître Léonidas NSHOGOZA. Cet avocat rwandais exerçait des fonctions d’enquêteur pour le compte de la Défense des suspects du génocide détenus par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR). Il a été arrêté à Gitarama au Rwanda le 16 juin 2007 au moment où il travaillait avec le conseil principal, Maître Aicha Condé, dans le procès du prêtre catholique, l’abbé Emmanuel RUKUNDO. Le père Rukundo, aumônier militaire à Ruhengeri (nord du pays) puis à Kigali, a été arrêté le 12 juillet 2001 en Suisse où il résidait. Il est accusé de génocide et de crimes contre l’humanité et plaide non coupable. L’emprisonnement programmé de Léonidas Nshogoza vise à assurer la condamnation arbitraire de l’Abbé RUKUNDO dont le procès devait reprendre en juillet 2007. Ayant été ordonnée par la Chambre, la Défense a commencé la preuve à décharge le 9 juillet 2007 sous réserve et protestation des circonstances dans lesquelles le TPIR lui demande de présenter sa preuve.
Notre Centre estime que Maître Léonidas NSHOGOZA a été arrêté pour trois principales raisons.

  1. Ce juriste est connu pour son intégrité morale, son courage exceptionnel et son esprit d’abnégation. Or, depuis 13 ans, le régime FPR a réussi à assassiner, à faire emprisonner et/ou à contraindre à l’exil la presque totalité des rwandais intègres. Qu’ils soient Hutu ou Tutsi, le FPR déteste toute personne intègre et « non manipulable ». Dans son interview à la BBC du 15 juillet 2006, Madame Domitila MUKANTAGANZWA, Secrétaire Exécutif du Service National des Juridictions Gacaca (SNJG), a reconnu que son Service a remplacé plus de 45.000 juges élus initialement par la population (soit environ 25% des 200.000 juges). Ces juges, élus comme des personnes intègres par la population ont été ajoutés sur les listes des présumés génocidaires par les agents de la DMI1 infiltrés au sein du SNJG). Les « nouveaux juges Gacaca choisis et manipulés par la DMI ou les agents DMI infiltrés dans le SNJG » bloquent tout débat contradictoire durant les procès Gacaca. Par leur mépris et leur arrogance, ils terrorisent les témoins à décharge et encouragent les mensonges et les complots orchestrés par les témoins à charge manipulés ou achetés pour donner de faux témoignages. Plusieurs organisations de la Société Civile rwandaise ont été infiltrées et neutralisées avant d’être récupérées par le FPR. Cette société civile est régulièrement purifiée de ses leaders intègres. La disparition du Lieutenant Colonel Augustin CYIZA et du député Léonard HITIMANA en avril 2003 ainsi que l’exil de 13 dirigeants de la LIPRODHOR (Ligue Rwandaise pour la promotion et la Défense des Droits de l’Homme) en 2004 démontrent que le régime FPR ne tolère pas les personnes intègres. Il a besoin de régner sur des citoyens terrorisés.

    • La détermination de Léonidas Nshogoza à affronter les « syndicats de délateurs » opérant au Rwanda venait de mettre en difficulté l’arme la plus efficace du régime FPR à savoir la « délation institutionnalisée » au plus haut niveau de l’Etat Rwandais. En effet, la culture du mensonge a été remise en valeur et imposé au peuple rwandais comme une nouveau « mode de vie » depuis la prise du pouvoir par le FPR. La majorité des témoins à charge sont « utilisés par la DMI » dans les procès du TPIR et dans les procès qui ont eu lieu en Belgique, en Suisse et au Canada (le procès en cours de Munyaneza Désiré). Le 27 mai 2005, devant la Cour d’Assises de Bruxelles, une rescapée tutsi, Madame Léoncie Nyinawabajenja, a accusé l’ancien procureur rwandais de Kibungo qui terrorisait les témoins venus du Rwanda. Il s’agissait de Monsieur Didace Nyilinkwaya, qui était sensé encadrer ces témoins envoyés par Kigali dans le procès des deux commerçants de Kibungo tenu à Bruxelles en 2005.

    • Empêcher un procès équitable pour l’Abbé Emmanuel RUKUNDO, un prêtre issu de l’Eglise catholique du Rwanda. Cette église, qui a été décapitée depuis le 5 juin 1994 par l’assassinat de quatre (4) évêques Hutu et de plusieurs prêtres, est diabolisée par le régime du FPR. Doyenne de la Société civile rwandaise, elle constitue une cible privilégiée pour les extrémistes tutsi qui exploitent la souffrance des victimes tutsi comme une « véritable industrie » du génocide rwandais. En effet, si les organisations juives reçoivent à juste titre des dédommagements de la part du gouvernement allemand, des banques suisses et des entreprises allemandes, les « industriels tutsis » ont pour objectif de « soutirer » des millions d’euros à l’Etat français et à celui du Vatican. La France et l’Eglise catholique sont régulièrement accusées par le régime de Kigali d’avoir participé au génocide rwandais. Raison pour laquelle, de nombreux religieux et religieuses catholiques sont emprisonnées et victimes de fausses accusations. Comme le génocide rwandais a déjà autorisé le FPR à piller impunément les richesses naturelles du Congo (RDC) sous le regard complice des grandes puissances, les coffres forts de la France et du Vatican doivent enrichir les dignitaires du FPR qui exploitent le génocide rwandais comme un « fonds de commerce » inépuisable. L’emprisonnement arbitraire de Léonidas NSHOGOZA est destiné à empêcher le témoin BLP de se rétracter et d’expliquer au TPIR comment il a été forcé à calomnier l’Abbé RUKUNDO. Rappelons que dans le procès de l’Abbé SEROMBA, l’ancien chauffeur de la caterpilar (engin mécanique) qui a détruit l’église de Nyange est venu déclarer au TPIR qu’on l’avait forcé à calomnier ce prêtre. Cet ancien chauffeur, détenu au Rwanda, avait été sollicité pour témoigner à charge contre l’abbé SEROMBA. Il devait affirmer que c’est ce dernier qui lui avait ordonné de détruire son église alors que c’était faux. Le retrait de ce faux témoignage n’a pas empêché que ce prêtre fut condamné par le TPIR sur base d’autres faux témoignages.

La chronologie des faits montre qu’il y a complot contre Léonidas NSHOGOZA :

  1. 16 juin 2007: Arrêté au Rwanda; accusé de corruption de témoins du TPIR et négationnisme / minimisation de génocide. NSHOGOZA est enquêteur pour l’équipe de défense d’Emmanuel RUKUNDO, accusé devant le TPIR. Cette arrestation a lieu 2 semaines avant le début de la présentation de la preuve à décharge.

  1. 25 juin 2007: Audition sur détention provisoire. NSHOGOZA plaide non coupable. Son avocat, le Bâtonnier du Rwanda plaide, entre autres, violation du droit rwandais exigeant avis de comparution avant arrestation, et primauté de droit international sur le droit rwandais.

  1. 26 juin 2007: Le Tribunal de grande instance de Gasabo au Rwanda ayant son siège à RUSORORO conclut que NSHOGOZA ne dit pas la vérité, et qu’il est “devenu expert dans la recherche des témoins à décharge pour les détenus accusés de génocide devant le TPIR à Arusha, Tanzanie”. La cour ordonne la détention provisoire de NSHOGOZA.

  1. 4 juillet 2007: TPIR Chambre II : décision sur requête de la Défense RUKUNDO pour la libération immédiate et inconditionnelle de NSHOGOZA sur la base de la juridiction exclusive et de l’immunité fonctionnelle de l’ONU. La Chambre n’est pas prédisposée à décider cette question car efforts de liaison pendants du greffe chez les autorités rwandaises pour trouver solution à l’amiable.

  1. 9 juillet 2007: la Défense de RUKUNDO commence la présentation de sa preuve à décharge, en l’état d’une décision de 4 juillet 2007 rejetant une requête de la Défense pour suspendre les procédures jusqu’à la fin de la crise concernant NSHOGOZA.

  1. 23 juillet 2007: le Greffe du TPIR informe que les autorités rwandaises considèrent que le cas de NSHOGOZA ne peut être résolu que par une solution judiciaire ;

  1. 19 octobre 2007: la Défense de RUKUNDO dépose requête en immunité pour Léonidas.

  1. juillet, septembre et octobre 2007: la Défense RUKUNDO n’a bénéficié que de 9 semaines durant ces 3 mois pour présenter sa preuve. Défense pas en mesure de clôturer sa preuve avec des requêtes pendantes inter alia, la question de Léonidas et autres témoins.

  1. 12 novembre 2007: L’association internationale des avocats de la défense (AIAD) dépose requête amicus curiae et mémoire à l’appui de la requête en immunité.

  1. 19 novembre 2007: Procès de Léonidas Nshogoza devant le Tribunal de grande Instance de Gasabo. Le Procureur a demandé 10 ans d’emprisonnement. Le jugement est attendu le vendredi 30 novembre 2007.

RECOMMANDATIONS : Le Centre recommande :

  • Que les autorités rwandaises libèrent immédiatement et sans conditions Maître Léonidas NSHOGOZA. Il doit retrouver sa liberté de mouvement pour continuer son travail.

    • Que le témoin BLP, qui a accepté de retirer ses fausses accusations, ne soit pas persécuté par les autorités rwandaises ou par d’autres délateurs qui l’ont entraîné dans la délation.

    • que tous les syndicats de délateurs créés, encouragés et entretenus par la DMI soient complètement neutralisés et mis hors d’état de nuire.

    • Que cesse immédiatement la campagne de terreur et de corruption qui s’exerce contre des témoins à décharge.

    • Que toutes les organisations des droits humains exigent la libération immédiate de ce juriste intègre et courageux.

    Pour le Centre, MATATA Joseph, Coordinateur.

    APPEL URGENT

    DE LA DÉFENSE DEVANT LE TPIR

    A LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE

    Enquêteur d’une équipe de défense d’un accusé devant le TPIR, Léonidas NSHOGOZA a été arrêté le 16 juin 2007 à Gitarama, Rwanda alors que son client, Emmanuel RUKUNDO devait commencer à présenter sa défense deux semaines plus tard.

    Détenu depuis lors dans l’attente de son procès, il a comparu le 19 novembre 2007 devant le Tribunal de Grande Instance de GASABO ayant son siège à RUSORORO, sous l’incrimination de subornation de témoins ayant comparu dans un procès antérieur devant le TPIR, et de « minimisation du génocide ». Dans sa décision du 26 juin 2007 ordonnant la détention provisoire de Léonidas la cour rwandaise a conclu que ce dernier « est devenu expert » dans la recherche des témoins susceptibles d’intervenir à décharge pour un accusé poursuivi pour le génocide devant le TPIR. La charge de minimisation de génocide, résultant de la loi 33 bis du 6 septembre 2003, le rend passible d’une peine de 10 à 20 ans de réclusion.

    Au terme de l’audience, le Procureur a requis une peine de 10 ans d’emprisonnement, et le Tribunal a annoncé qu’il rendrait sa décision le 30 novembre.

    Ces poursuites devant une juridiction rwandaise, à raison d’activités d’enquêteur devant le TPIR et sous l’autorité du greffe, et en relation avec des témoignages portés devant le TPIR, ont conduit l’ADAD (association des avocats de la défense) et les membres des équipes de Défense réunis à Arusha le 24 novembre 2007 à adopter la présente résolution, pour en appeler solennellement aux autorités du Tribunal, à la communauté internationale, aux organisations de défense des Droits de l’Homme, ainsi qu’à tous leurs confrères et à leurs organisations professionnelles, pour les alerter sur la gravité de cette situation au regard des observations de principe ci-après :

    1° Observation

    Dès lors que les faits imputés sont en relation avec des témoignages portés devant le TPIR, et dès lors que le Règlement de Procédure et de Preuve du TPIR comporte en ses articles 77 et 91 les dispositions organisant la poursuite et la répression des infractions imputées à L NSHOGOZA, toute poursuite fondée sur de telles imputations relève nécessairement de la juridiction exclusive du TPIR

    C’est d’autant plus vrai qu’un des témoins que L. NSHOGOZA est accusé d’avoir subornés est actuellement poursuivi devant le TPIR, et que le sort de la poursuite de L.NSHOGOZA est ainsi intimement lié à celui du témoin lui-même. L’autre témoin est poursuivi avec L.NSHOGOZA comme co-accusée devant le Tribunal rwandais mais elle n’est pas détenue.

    La poursuite de L. NSHOGOZA devant un Tribunal rwandais à raison de faits n’impliquant que l’autorité du TPIR et à raison de l’exercice de fonction devant le TPIR revient dès lors à porter atteinte à la juridiction du TPIR et à son autorité.

    2°Observation

    Dès lors que c’est le fait même d’avoir participé à une mission de défense d’un accusé devant le TPIR qui fonde une poursuite sur l’incrimination de « minimisation du génocide », il s’en déduit que quiconque a contribué ou contribue à la Défense d’un accusé devant le TPIR – avocats, assistants, enquêteurs – ou est intervenu ou intervient à décharge d’un accusé – expert, témoin – est immédiatement et indéfiniment exposé au risque de poursuites de même nature, que ce soit à l’occasion de son activité devant le Tribunal ou en tout autre lieu et en particulier sur le territoire rwandais.

    Il convient donc que le TPIR :

    RÉAFFIRME SOLONNELLEMENT que le droit pour un accusé à un procès équitable devant cette juridiction implique la possibilité de déterminer librement sa défense

    CONSTATE que le plein exercice des droits de la défense implique que quiconque participe à cette défense ne puisse rendre compte de l’exercice de sa mission que dans le cadre des règles de procédure et de preuve qui l’organisent devant le TPIR

    EN DÉDUISE ET PROCLAME que quiconque contribue à la défense d’un accusé devant le TPIR,

    DOIT BÉNÉFICIER des règles de protection instituées au profit des témoins,

    DOIT BÉNÉFICIER d’une immunité fonctionnelle de juridiction de principe à l’égard des actes accomplis dans le cadre de ses fonctions.

    EXIGE en conséquence des autorités rwandaises,

    Qu’elles aient égard pour cette immunité ;

    Qu’elles renoncent à toute poursuite sur le fondement d’une incrimination de minimisation du génocide, qui revient 

    – à porter atteinte au fonctionnement du Tribunal en entravant l’exercice d’un droit que le Statut reconnaît aux accusés ;

    – à porter atteinte au principe même d’une Défense s’exerçant librement ;

    – à affecter la possibilité pour chaque accusé devant le TPIR de disposer d’une défense libre et exempte de toute contrainte.

    Qu’elles garantissent le libre exercice de leur mission, en tout lieu du territoire rwandais, par les équipes de défenses des accusés devant le TPIR et la liberté pour quiconque de témoigner à décharge comme à charge devant le TPIR

    DÉFINISSE, dans le cadre de sa stratégie d’achèvement, les dispositions propres à assurer la protection de tous les membres des équipes de défense et en particulier ceux de nationalité rwandaise.

    3° Observation

    Les poursuites contre L. NSOGHOZA ont par ailleurs été engagées au moment où le Procureur devant le TPIR sollicite du Tribunal qu’il ordonne le transfert du procès de certains accusés devant les juridictions rwandaises.

    Elles éclairent de façon éclatante l’impossibilité pour une Défense de s’exercer librement devant les juridictions Rwandaises dès lors que le fait même d’exercer des fonctions de Défense devant le TPIR expose au risque de poursuites devant les juridictions rwandaises sous l’incrimination de « minimisation du génocide ».

    Le droit à un procès équitable ne peut être que virtuel dès lors que quiconque, avocat, enquêteur, témoin, expert, assistant, juge, encourrait la même incrimination à raison de ce seul exercice.

    4° Observation

    Le risque de condamnation auquel L. NSHOGOZA est exposé oblige quiconque reste attaché aux droits de la Défense et aux immunités qu’elles supposent à exprimer, de la façon la plus urgente et avec la plus grande fermeté, son exigence du respect des principes ci-dessus,

    • auprès du Président et du Greffier du TPIR pour qu’ils interviennent, chacun pour ce qui le concerne au soutien de ces principes,

    • auprès des autorités gouvernementales du Rwanda,

    • auprès du Tribunal de grande instance de GASABO ayant son siège à RUSORORO (Kigali) et du Procureur auprès de ce Tribunal,

    et à assurer de leur soutien l’ensemble des membres des équipes de défense des accusés devant le TPIR, pour qu’ils puissent assurer leur mission dans la plénitude de leurs prérogatives et sans y subir ni menaces ni contraintes ni rétorsion, que ce soit pendant leur accomplissement ou à raison de cet accomplissement.

    1 La DMI (Directorate of Military Intelligence) est une véritable « machine à tuer », une sorte de GESTAPO Tutsi créée et dirigée par le président rwandais et président du FPR (Front Patriotique Rwandais), le Général Paul KAGAME. La DMI a impunément assassiné, torturé, emprisonné et fait disparaître des milliers d’opposants politiques (réels ou supposés), des anciens dignitaires et intellectuels Hutu ainsi que de simples citoyens rwandais Hutu et Tutsi depuis plus de 12 ans.