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Dossier-2002 : Assassinats de commerçants et appropriation de leurs biens

En partant du cas de Kanyangoga Cassien, le CLIIR dénonce encore une fois la « violation du droit de propriété” par le nouveau régime rwandais, notamment par le biais des assassinats de commerçants.

Extrait des témoignages sur les assassinats imputables à la convoitise des biens d’autrui : Cas de Monsieur KANYANGOGA Cassien

Comme certains grands artisans que comptait le Rwanda dans les années 1990, Monsieur Cassien KANYANGOGA était originaire de la préfecture de BYUMBA, commune MURAMBI. Aujourd’hui cette région a changé de nom, elle fait partie d’une nouvelle préfecture appelée UMUTARA. Elle a été dépeuplée par la guerre déclenchée par le Front Patriotique Rwandais (FPR) en 1990, puis par les massacres commis depuis avril 1994 par les soldats du FPR, mais aussi par les miliciens hutu. La région est aujourd’hui habitée par des anciens exilés tutsi rapatriés d’Ouganda après la victoire militaire du FPR.
Plusieurs membres de sa famille ont été tués par les soldats du FPR lors de la conquête de sa commune d’origine Murambi.
Monsieur Cassien KANYANGOGA était un très bon menuisier et était fort connu dans les coopératives d’artisans concentrées au marché de GAKINJIRO dans la capitale Kigali. Il s’est marié avec Madame UWAMWEZI Jeanne d’Arc en novembre 1995 après sa sortie de prison car il avait été arrêté au cours des rafles aveugles opérées contre des hutu par le FPR dès son arrivée au pouvoir en juillet 1994.
Il est connu pour avoir obtenu de gros marchés pour le compte de l’USAID. Etant lui-même propriétaire de 5 machines à raboter et à scier le bois, ce marché de l’USAID l’a propulsé au rang de millionnaire en francs rwandais. Il était propriétaire de plusieurs véhicules utilitaires (taxi-minibus, camionnette, etc…) convoités par certains responsables militaires qui ont l’habitude de commettre des abus de pouvoir contre des propriétaires légitimes.
Comme tous les autres commerçants hutus assassinés ou emprisonnés arbitrairement par le FPR depuis 1994, Monsieur Cassien KANYANGOGA fut persécuté et rançonné par des militaires depuis l’obtention de ce marché en 1995 jusqu’à son assassinat en juillet 1998. Comme pour les autres victimes du FPR, aucune enquête n’a été menée pour retrouver ses assassins. Comme d’habitude, plusieurs commerçants hutu sont obligés de s’associer à des militaires ou à des parents de militaires de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) pour avoir un semblant de protection et pour s’assurer qu’ils auront un marché. Monsieur Cassien KANYANGOGA était associé à Monsieur Jordan TEBENKANA, petit frère du Général KAYUMBA Nyamwasa (chef d’état-major de l’APR de 1997 à 2001). Assassiné apparemment sur instigation de son associé Jordan Tebenkana, le cadavre de Monsieur Cassien fut retrouvé dans la brousse au bord de la route comme la plupart des cadavres des victimes tués par les escadrons de la mort qui se sont multipliés au Rwanda.
Après son assassinat, le scénario fut le même que pour les autres commerçants assassinés, son associé tutsi et petit frère du chef d’état-major de l’APR s’empara de tous ses biens (équipement, marchandises, créances et liquidités) en toute impunité avec l’appui de certains militaires.
La veuve de Cassien, UWAMWEZI Jeanne d’Arc, n’a même pas pu donner son avis pour les cérémonies et le déroulement de l’enterrement de son mari. Monsieur Jordan TEBENKANA (commanditaire probable de cet assassinat) s’empressa de l’enterrer le jour même de la découverte du cadavre. Il a menacé de tuer la veuve de Cassien si elle refusait de lui donner les papiers d’identification de leur taxi-minibus. Encore sous le choc de la mort de son mari, elle céda et fournit les documents mais plus tard, malgré cette menace de mort, la veuve a porté plainte en vain auprès du Parquet de la République rwandaise de Kigali.
Monsieur Jordan TEBENKANA ne fut jamais inquiété par la justice. Il s’est approprié toutes les cinq machines de Cassien sans rien laisser à sa veuve. Malgré la plainte de Mme UWAMWEZI Jeanne d’Arc, Monsieur Jordan, accompagné par des militaires, est allé récupéré une machine à raboter louée par des prêtres de Byumba. Il a vendu celle de Gakinjiro à une dame. Il est allé cherché une autre machine qui avait été louée au BUGESERA. Les autres machines de Gakinjiro ont disparu. Leur emplacement à Gakinjiro a été vendu à un certain Jothan après la fuite de Mme UWAMWEZI Jeanne d’Arc.
Comme ce fut le cas pour d’autres veuves des commerçants tués ou emprisonnés, Mme UWAMWEZI Jeanne d’Arc est devenu la cible de l’ancien associé de son mari, c’est-à-dire Monsieur Jordan TEBENKANA, qui l’a pourchassé jusque chez sa grand mère à Remera. La stratégie de lancer des pierres sur les maisons pour intimider et déstabiliser les occupants est une vieille méthode qui est fort utilisée actuellement. La toiture des maisons au Rwanda est en tôles en aluminium et l’impact des pierres produit un bruit très assourdissant. Parfois la toiture est trouée et les projectiles peuvent blesser les occupants.
Madame UWAMWEZI a été abandonnée à elle-même car le Parquet n’a pas voulu instruire son dossier. Le président de l’association des artisans de GAKINJIRO qui a volé à son secours a été lui même emprisonné fin 1998 car il voulait s’occuper de l’assassinat de son collègue et récupérer ses biens spoliés par Monsieur Jordan TEBENKANA.
D’après nos investigations, l’assassinat de Mr Cassien KANYANGOGA est motivé par :

  1. la cupidité de son associé tutsi qui s’est arrogé le droit d’éliminer l’intéressé et de déposséder sa veuve: tous les dignitaires du FPR ont pris la mauvaise habitude de s’approprier les biens d’autrui en guise de "butin de guerre".

  2. sa qualité de "témoin gênant": En effet, Mr Cassien fait partie des tout premiers prisonniers détenus à la prison centrale de Kigali en août 1994. Comme il était chargé de les recenser, il a été témoin de la disparition des centaines de détenus que les soldats du FPR déportaient vers les plantations de thé de Byumba (nord-est du Rwanda) sous prétexte d’aller récolter le thé. En réalité, les camions qui les déportaient revenaient tout à fait vides et couverts de sang humain. Mr Cassien n’était pas un homme capable de couvrir un crime. Il a toujours témoigné sur les crimes auquel il avait assisté à la prison de Kigali. Ce qui a toujours enragé les militaires et les cadres politiques de l’APR. L’ancien Ministre de l’Information (de 1994 à 1995), J.Baptiste NKULIYINGOMA, (réfugié politique en Belgique) avait enregistré les témoignages accablants de ce jeune artisan assassiné à Kigali.

Après l’assassinat de son mari, abandonnée par la justice et menacée par l’ex-associé de son mari (lui-même protégé par son frère le général Kayumba Nyamwasa), il est tout à fait logique que Madame UWAMWEZI Jeanne d’Arc est devenue à son tour un "témoin gênant" car elle avait même osé porter plainte près le Parquet de Kigali pour la mort de son mari et la récupération de ses biens. Face à un meurtrier comme Monsieur Jordan, cette veuve n’avait aucune chance de survivre au Rwanda et il est compréhensible qu’elle devait s’exiler. D’ailleurs, elle n’est pas la seule, presque toutes les veuves de commerçants se sont exilées avec leurs enfants pour éviter d’être tuées à leur tour. Notre Centre a recensé plusieurs cas de ces veuves qui vivent en Europe, aux USA et au Canada actuellement. Plusieurs femmes intellectuelles hutu ont été contraintes de s’exiler après l’assassinat de leurs maris.
1. L’assassinat et l’emprisonnement des commerçants hutu sont une pratique courante depuis l’arrivée au pouvoir du FPR:
a) La campagne du Front Patriotique Rwandais (FPR) pour obliger les hommes d’affaires et autres propriétaires légitimes de biens à rentrer au Rwanda après sa victoire militaire:
Les détenteurs réels du « pouvoir occulte » au sein du Front Patriotique Rwandais se sont partagés les biens d’autrui tout juste après leur victoire militaire en juillet 1994. Pour mieux les garder, il fallait éradiquer toute menace des propriétaires légitimes des biens immobiliers et mobiliers. Tout en appelant les réfugiés à rentrer, le régime FPR a lancé discrètement une campagne de recherche des anciens commerçants et hommes d’affaires hutu dont les biens avaient été squattés par les membres influents du FPR.
C’est dans ce cadre que plusieurs émissaires du FPR sont allés dans tous les pays limitrophes et le KENYA pour séduire et négocier les commerçants et grands propriétaires immobiliers et financiers qui s’étaient réfugiés au Zaïre, Ouganda, Kenya, Tanzanie et Burundi.
D’après nos enquêtes, beaucoup d’encadreurs politiques et militaires du FPR, comme le journaliste Pierre MUGABE ont été envoyés en Ouganda et au Kenya pour « convaincre par tous les moyens » les grands propriétaires à revenir travailler au Rwanda. Beaucoup de cadres hutus, tel que le Ministre des Finances (à l’époque) Marc RUGENERA, ont été envoyés comme « émissaires plus efficaces et plus convaincants » dans les pays du monde entier où s’étaient réfugiés les hutu les plus riches. La même campagne a été menée par les mêmes émissaires pour « négocier le retour des cadres hutu » dont le régime actuel des extrémistes tutsi voulait se servir comme « hutus de service » pour mieux manipuler la communauté internationale. Le Centre a collecté de nombreux témoignages auprès des anciens Ministres hutu comme le regretté Alphonse Nkubito et d’autres qui ont participé à cette campagne.
L’objet principal de cette « sensibilisation au retour » était l’élimination physique de tous ces propriétaires légitimes en vue de s’assurer l’occupation définitive des biens squattés. Il s’agissait aussi d’écarter la menace d’une guerre de revanche que les hutus pourraient mener contre le régime du FPR. Pour avoir bénéficié des mêmes facilités auprès des grands commerçants tutsi qui ont financé en partie la guerre du FPR, les détenteurs du pouvoir à Kigali s’inquiètent de la présence de tous ces grands commerçants en exil.
b) Cette campagne a si bien marché que la plupart des commerçants et des hauts fonctionnaires ramenés au bercail ont été vite éliminés comme les grands financiers et hommes d’affaires suivants:
Assassinat du commerçant Josias MWONGEREZA assassiné avec plus de 40 membres de sa famille en juin 1994 alors qu’il s’était mis sous la protection des troupes du FPR. Josias était un membre influent du Parti Social Démocrate (PSD) dans sa préfecture de Gitarama.
Disparition de Joseph NSENGUMUREMYI, commerçant originaire de Cyangugu enlevé par des militaires en octobre 1994 pendant qu’il essayait de recouvrer le loyer auprès de ceux qui avaient squatté l’immeuble commercial lui légué par son père
Disparition de Pierre Claver IYAMUREMYE: Un des propriétaires de la plus grande entreprise commerciale des friperies du pays: la SIRWA (Société Industrielle du Rwanda), a disparu en juillet 1994 après son retour rapide au Rwanda. Celui-ci était un ami intime de l’ex-Ministre du Plan, puis des Finances et de la Planification, Jean Berchmans BIRARA, qui n’a pas pu le retrouver malgré ses nombreuses recherches appuyés par ses amis du FPR dont le très puissant Député et grand financier du FPR, Valens KAJEGUHAKWA.
Disparition de MUSHUMA Esri, commerçant représentant la BRALIRWA à Ruhango (Gitarama). Il a disparu avec toute sa famille en septembre 1994 après avoir été emmené par des militaires du FPR. Le fils de Mushumba qui était militaire du FPR s’est exilé peu après.
Disparition de Froduald BAZIMENYERA, commerçant à Kigali, originaire de la commune Nyakabanda (Gitarama. Il a disparu en octobre 1994 pour des raisons inconnues. Sa famille l’a fait recherché dans toutes les prisons en vain.
Assassinat de Mathias HAKIZIMANA: Un grand commerçant et ancien grand financier du Parti Social Démocrate (PSD) qui était favorable au FPR durant la guerre. Il s’était réfugié au Kenya en attendant la normalisation de la situation. Celui-ci avait été « vite rapatrié » en août 1994 par son ami le Ministre des Finances à l’époque, Marc RUGENERA, un des « grands émissaires hutu » dont le FPR se servait pour « séduire les candidats au retour volontaire ». Ce dernier n’a pas pu non plus protéger son ami Mathias qui a été enlevé chez lui et tué par les militaires du FPR quelques jours seulement après son retour en Novembre 1994.
Assassinat de Gervais BIREKERAHO, un grand commerçant originaire de Byumba:
Mr Gervais BIREKERAHO a été assassiné le 12 mai 1995 par le Lieutenant MUTABAZI Michel dont les parents occupent jusqu’aujourd’hui ses biens sis dans le secteur NDERA, commune Rubungo, préfecture de Kigali-Rural. Sollicité par les émissaires du FPR depuis l’arrivée au pouvoir du FPR en juillet 1994. Réfugié à Nairobi, il avait été lui aussi approché par l’émissaire du FPR, J.Pierre MUGABE, qui l’avait convaincu à rentrer au Rwanda. Lorsqu’il retourna seul, les autorités rwandaises insistèrent pour qu’il rapatrie sa famille, avant même d’avoir récupéré une seule maison. Sa famille rentra au Rwanda en février 1995, tandis que lui-même fut assassiné le 12 mai 1995. Les assassins ont été arrêtés mais nous avons appris qu’ils se sont évadés grâce à des complicités, car le squattage de biens est « toléré » par le pouvoir.
La femme et les enfants de Gervais Birekeraho sont aujourd’hui réfugiés en Belgique !!
Enlèvement et assassinat du Commerçant MUNYAKAZI Emmanuel et sa femme Marie Goretti MUKAKALISA en novembre 1997. Mr Munyakazi avait été arrêté par les militaires le 31 octobre 1997 à la suite de l’arrestation de son beau frère, le Major Ngirabatware Félicien, enlevé le 30 octobre 1997 vers 5h du matin. Les membres de toute la famille du Major NGIRABATWARE Félicien ont été interrogés et persécutés lors de ces arrestations injustifiées. Les cadavres de Munyakazi Emmanuel et sa femme ont été retrouvés au bord d’une route à Kigali, alors qu’ils étaient sensés avoir été arrêtés par des militaires pour être interrogés.
c) Les émissaires du FPR utilisaient des arguments solides:
Pour inciter les « commerçants et hommes d’affaires hutu » à rentrer :
Les arguments étaient les suivants: « Non seulement le pays avait besoin de tous ses filles et fils, mais aussi les grands propriétaires devaient vite rentrer pour récupérer leurs biens « qui risquaient d’être squattés » par les nombreux réfugiés tutsi rentrés au pays. La seule garantie « d’aider le gouvernement à protéger la propriété privée » était le retour rapide et volontaire de tous les propriétaires. Sinon il était difficile d’empêcher le squattage de leurs biens, car il y avait beaucoup d’anciens réfugiés ou des rescapés tutsi qui avaient besoin de logements.
Il était interdit aux émissaires du FPR « d’aborder la question de l’insécurité », des enlèvements nocturnes et journaliers, des arrestations et détentions arbitraires et illégales opérées par une armée de jeunes soldats, fraîchement sortis du « maquis ».
Le Centre pourrait citer les cas de plusieurs commerçants et fonctionnaires assassinés enlevés et séquestrés dans les camps militaires de l’APR avant d’être lâchement achevés au marteau.
2. Pour résoudre le problème des « propriétaires légitimes méfiants » qui n’ont pas osé rentrer au Rwanda, les commandos de la mort de l’External Security Office (ESO) ont été lancés à leurs trousses :
Les commerçants qui ont refusé de rentrer, suite aux problèmes d’insécurité, ont subi toutes sortes de menaces et de persécutions dans leur exil. L’objectif à long terme des occupants illégaux (soutenus par le pouvoir) est d’éliminer tous ces propriétaires légitimes et indésirables. Pour cela, les agents de l’External Security Office (ESO), une branche de la DMI (Directorate Military Intelligence), sont sollicités pour « s’occuper de ces propriétaires ».
Plusieurs cas d’assassinat des propriétaires immobiliers ont déjà eu lieu en Ouganda et au Kenya. Certains autres propriétaires légitimes ont été jetés en prison, sans dossiers et sans enquêtes. A titre d’exemples, nous pouvons citer les cas des personnes suivantes :
i) L’assassinat du Colonel Lizinde et du Commerçant Bugilimfura Augustin à Naïrobi le 6 et 8 Octobre 1996: Le colonel LIZINDE a été apparemment tué le 6 octobre d’une balle dans la bouche, tandis que le commerçant BUGILIMFURA semble avoir été tué le 8/10/96 puisque la police l’a trouvé encore en vie à quelques mètres du cadavre de Lizinde. Ils semblent avoir été enlevés par des agents “en tenue de policiers” et ça serait pourquoi ils ne se sont pas méfiés. Le véhicule a été ramené chez Lizinde apparemment par les malfaiteurs (voir la note sur cet assassinat annexé ici).
ii) La déportation et l’assassinat du commerçant Obedi SEBUTAMA enlevé en Ouganda et assassiné au Rwanda avec son fils. Ils ont été déportés au moment où ils étaient allés en Ouganda pour ramener leur camion confisqué par les services ougandais peu avant l’attaque du Zaïre par les armées rwandaise, ougandaise et burundaise. Les agents de l’External Security Office (ESO), opérant dans les pays limitrophes, les ont enlevés et déportés au Rwanda où ils ont été tués.
iii) L’assassinat de SAFARI, (parent de feu Député FPR, le Colonel LIZINDE). Cet ancien agent des Douanes vivait séparé de sa femme. Il a été tué à Kampala (Ouganda) au moment où il allait rendre visite à son épouse tutsi qui n’avait pas pu résider à Naïrobi dans les milieux pro-hutu. Mr SAFARI aussi ne pouvait pas non plus résider en permanence dans les milieux pro-tutsi en Ouganda par peur d’être tué par les agents de l’ESO.
iv) L’assassinat de HABIMANA alias KINGI et fils du commerçant Gérard KALIMUNDA, lui aussi enlevé par le Lieutenant Adamo et porté disparu à Kigali en juillet 1994. Il a été tué par balles à Kawangwale (banlieue de Naïrobi) en décembre 1996.
v) L’assassinat du fils de NSANZUMUHIRE Alexis (un commerçant de Byumba) à Naïrobi. Il a été tué par balles à Naïrobi au 1er trimestre 1997.
vi) La disparition de FIDELE (fils du commerçant Hitimana de Ruhengeri): Il a été arrêté en Ouganda et déporté au Rwanda où il est porté disparu.
vii) L’enlèvement de Léonidas FELESI, commerçant intercepté à Kampala au moment où il recherchait son camion confisqué par les agents ougandais. Il fut déporté et emprisonné au Rwanda. Il aurait été libéré et vivrait actuellement à Kigali.
viii) Des camions remorques appartenant aux hutu ont été incendiés au Kenya
Au moins trois camions remorques ont été brûlé à Naïrobi et à Mombasa par des malfaiteurs portant les documents de voyage rwandais. Notamment, un camion appartenant à un commerçant de Nyanza a été brûlé à Mombasa. Le camion du commerçant GATARAMA Alphonse a été brûlé au Kenya. Un autre camion appartenant au commerçant Ndamage a été sauvé par la police kenyane qui a tué un des malfaiteurs portant des documents rwandais.
Tous ces assassinats et déportations montrent bien qu’un homme d’affaires comme Kanyangoga Cassien ne pouvait pas survivre non seulement au Rwanda, mais aussi dans les pays africains où l’insécurité et la corruption règnent. Vu le comportement criminel du régime de Kigali, même ici en Europe les opposants, les propriétaires immobiliers peuvent être éliminés par les agents de l’External Security Office (ESO).
3. Les médias locaux ne cessent de critiquer le squattage et la gestion des biens d’autrui
Le fait de ne pas régler les problèmes de “squattage des maisons” porte préjudice à leurs propriétaires (d’après un journal rwandais, le Tribun du Peuple n° 94” page 15): “Bien que nous occupons des maisons temporairement, nous n’avons pas des droits sur ces maisons plus que leurs propriétaires légitimes, qui sont dans le pays et qui souhaitent être rétablis dans leurs droits”. Il devient de plus en plus évident que quand certains citoyens, qui n’ont pas fui et qui sont innocents, recourent aux responsables de la Préfecture de la Ville de Kigali pour recouvrer leurs maisons occupées, ils ne sont pas bien écoutés. La raison de ce manquement c’est que les occupants illégaux ont des liens de parenté ou d’amitiés avec certains agents de la préfecture ou avec d’autres personnalités du régime.
Par exemple: « il y a une vieille dame tutsi qui a recouvré sa maison lorsqu’elle a eu le désespoir de recourir à un Chef militaire assez compréhensif du Ministère de la Défense qui l’a aidée ». Dès lors l’on se demande s’il faudra toujours recourir à la Présidence ou à la Vice-Présidence de la République pour qu’un citoyen puisse recouvrer ses droits!
4. Le droit de propriété est bafoué bien que protégé par la législation rwandaise et plusieurs textes normatifs :
Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda avait déjà dénoncé à plusieurs reprises la « violation du Droit de Propriété” par le nouveau régime rwandais. Normalement la législation rwandaise est clair là-dessus: la propriété privée est inviolable. Malgré une législation très clair, le Président de la Chambre Spécialisée créée au sein du Tribunal de Première Instance de Kigali a ordonné la saisie conservatoire des loyers provenant des maisons appartenant à des personnes accusées de génocide. Il s’agit de l’ordonnance n° 001/R.S.J/97 rendue le 17 juin 1997 et publiée dans l’hebdomadaire de l’Etat “IMVAHO NSHYA” n° 1187 du 23-29 juin 1997.
Plusieurs hauts responsables militaires et politiques du régime actuel affichent la volonté de s’approprier, en toute impunité et par tous les moyens, les biens appartenant aux réfugiés ou aux citoyens hutus. Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda met en garde l’Etat Rwandais car il vient de s’engager dans les liens de la gestion d’affaires telle qu’organisée par les articles 248 et suivants du livre III du code civil, avec toutes les obligations qui en découlent et leurs conséquences.
Le Centre rappelle que le droit de propriété est régulièrement bafoué au Rwanda par ce que c’est le passage obligé pour faire plaisir à ceux qui sont avides de biens d’autrui en guise de butin de guerre pour ceux qui ont combattu ou ceux qui ont financé la guerre du FPR. Le Régime de Kigali se réfugie dans un flou artistique, s’inscrivant dans la perspective de culpabilisation globalisante de la communauté majoritaire hutu, pour violer les droits les plus élémentaires toujours en vigueur. Ces textes normatifs sont les suivants:
– La Constitution du 10 juin 1991 consacre, en son article 23, le principe suivant: “La propriété privée, individuelle ou collective, est inviolable. Il ne peut y être porté atteinte que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité”.
– Les Accords de Paix d’Arusha abondent dans le même sens. L’article 4 du Protocole du 9 juin 1993 sur le rapatriement des réfugiés et la réinstallation des personnes déplacées est explicite: “Le droit de propriété est un droit fondamental pour tous les rwandais”.
– La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, quand à elle, dispose, en son article 17, que “toute personne aussi bien seule qu’en collectivité, a droit à la propriété”.
– Le Code Civil, dans son Livre II, traite des biens et des différentes modifications de la propriété.
– Le Décret-loi n° 21 du 23 juillet 1979 régit, quant à lui, l’expropriation pour cause d’utilité publique et précise, en son article 42, que le contentieux qui peut en résulter est de la compétence des juridictions de droit commun.
– Le Code de procédure civile et commerciale (loi du 15 juillet 1964) règle, en ses articles 280 à 374, les formalités prévues pour la saisie des biens d’un débiteur, laquelle saisie ne peut avoir lieu qu’en vertu d’un titre exécutoire. L’article 328 déclare insaisissable la part des biens mobiliers dont la saisie réduirait le débiteur saisi à l’extrême misère et à la charge de la communauté. En matière immobilière, l’article 359 déclare insaisissable l’habitation d’un indigent et un demi hectare de terrain de culture environnant, indispensables à la vie du saisi et de sa famille. En cas de condamnation pénale, le Code Pénal prévoit, en ses articles 52 et 53, la possibilité de confiscation spéciale mais jamais de confiscation générale.
Alors que tout cet arsenal juridique est toujours en vigueur au Rwanda, il est systématiquement ignoré par les nouvelles autorités. Celles-ci cautionnent le squattage des biens d’autrui et diabolisent tout réfugié qu’ils accusent globalement de génocidaire. Pour elles, ce terme vise tout hutu, particulièrement celui qui n’est pas à l’intérieur du pays. Même ceux qui sont à l’intérieur ne sont pas épargnés. Il suffit que votre maison ou votre propriété foncière soit occupée et vous êtes ciblé. Beaucoup de cas d’assassinats, de disparitions et d’emprisonnements arbitraires dont la cupidité constitue le seul mobile ont été signalés. Leurs auteurs n’ont jamais été inquiétés.
5. C O N C L U S I O N :
Qui peut protéger le citoyen rwandais dans l’anarchie et l’arbitraire actuels?
Pourquoi est-ce que beaucoup de rwandais, qu’ils soient hutu ou tutsi, tentent tous de fuir leur pays? La réponse est simple: Toutes les Institutions de l’Etat Rwandais (Gouvernement, Parlement et Magistrature) sont paralysées et contrôlées par l’Armée omniprésente et omnipotente. Ceux qui se font des illusions encore sont obligés de trouver «des individus qui puissent les protéger contre l’arbitraire". Car, c’est le règne de l’arbitraire et de l’absurde au Rwanda. Même le « Système Judicaire » est incapable de protéger les détenus. Les commandants militaires font régner la terreur et l’arbitraire. Les ministres, les parlementaires, les cadres politiques civils du FPR, les fonctionnaires de l’Etat, les autorités administratives, les magistrats, TOUT le monde a peur.
Ils tremblent devant les militaires. Or, ce sont ces structures de l’Etat qui devraient assurer le respect des lois, car ce sont les lois qui régissent un véritable système d’état capable de protéger la société.
L’Etat rwandais, qui n’existe plus qu’en théorie, est incapable de faire respecter les lois et de protéger les personnes et les biens. C’est un Etat qui est en pleine désintégration, car c’est la loi du plus fort ou du plus fou et l’anarchie qui règnent là-bas.
Pour le Centre, MATATA Joseph, Coordinateur.
(*) Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda est une association de défense des droits humains basée en Belgique, créée le 18 août 1995. Ses membres sont des militants des droits humains de longue date. Certains ont été actifs au sein d’associations rwandaises de défense des droits humains et ont participé à l’enquête CLADHO/Kanyarwanda sur le génocide de 1994. Lorsqu’ils ont commencé à enquêter sur les crimes du régime rwandais actuel, ils ont subi des menaces et ont été contraints de s’exiler à l’étranger où ils poursuivent leur engagement en faveur des droits humains.