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Com046/1999 : Ignace Kanyabugoyi torturé par la D.M.I. puis interné à Ndera

Le CLIIR dénonce et condamne l’enlèvement, la détention illégale et la torture infligée à M. Ignace Kanyabugoyi par des agents du Service des Renseignements militaires rwandais de la D.M.I. (Directorate of Military Intelligence).

Rwanda: M. Ignace Kanyabugoyi est interné au Centre Psychiatrique de Ndera, suite aux tortures infligées par la D.M.I.

Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda (*) dénonce et condamne l’enlèvement, la détention illégale et la torture infligée à Monsieur Ignace Kanyabugoyi par des agents du Service des Renseignements militaires rwandais de la D.M.I. (Directorate of Military Intelligence).
Le Centre vient d’apprendre que M. Ignace KANYABUGOYI est enfermé dans une des maisons du Centre Psychiatrique de NDERA situé à environ 15 km du Centre-ville de la capitale rwandaise Kigali (commune Rubungo, préfecture de Kigali-Rurale). Après avoir subi de longues et éprouvantes séances de torture dans les locaux de la DMI à Kigali, Ignace Kanyabugoyi a dû être interné dans ce centre psychiatrique. Mr Ignace KANYABUGOYI ne peut recevoir aucune visite, excepté celles des agents de la DMI qui le gardent et d’un médecin.
Monsieur KANYABUGOYI est intellectuel et cadre hutu. Il était Directeur Administratif à l’usine de savons SULFO-RWANDA. Il avait disparu avec son véhicule le 21 Août 1998 vers 7h15. Des informations faisant état de son enlèvement par des agents de la DMI sur la route, qu’il empruntait chaque matin pour se rendre à son travail, nous étaient parvenues peu après sa disparition (voir notre Communiqué n° 40/98 du 2/9/1998).
D’après des témoins oculaires, plusieurs militaires avaient opéré une perquisition chez lui en date du 23/08/1998 à 5 heures. Un des militaires aurait fouillé le plafond et prétendu y avoir trouvé une arme à feu. L’épouse de Monsieur Kanyabugoyi était présente et a affirmé que son mari n’a jamais possédé d’arme. Après la disparition de Kanyabugoyi, des militaires de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) s’en seraient pris aux agents de la Croix Rouge Internationale (CICR) qui louent sa maison. Suite à ces persécutions, l’épouse de Monsieur Kanyabugoyi a été contrainte de fuir à l’étranger.
Un autre agent de SULFO, Monsieur Emmanuel TUYIZERE, a aussi été porté disparu à cette époque. Ces deux personnes seraient victimes d’un complot ourdi par le Chef du personnel de SULFO-RWANDA, un certain SEGIKWIYE Modeste, rescapé du génocide de 1994 et ancien militaire démobilisé de l’APR. Il avait déclaré à cette époque que les deux employés de SULFO étaient détenus par la DMI (Directorate of Military Intelligence) et il avait été déconseillé à leurs proches parents de les rechercher sous peine de disparaître à leur tour.
A N T E C E D E N T S :
1) Assassinat des beaux-frères d’Ignace KANYABUGOYI en 1997 à GISENYI :
a) Monsieur BURASANZWE Emmanuel, beau-frère d’Ignace KANYABUGOYI fut porté disparu le 10/08/1997. Il était responsable du Service de l’Environnement à Gisenyi. Il avait quitté son domicile le 10 août 1997 vers 9 heures pour se rendre à l’enterrement de son ami Munyempame François, tué dans les massacres commis par l’APR le 8 août 1997 au Marché de MAHOKO et ses environs. A mi-chemin de Mahoko, il avait rencontré des militaires qui lui ont dit qu’il était recherché à la commune Kanama. Accompagné de ces militaires, il est parti pour ne plus revenir à la maison. BURASANZWE fut directeur de la prison de Gisenyi en 1995. La fille de Burasanzwe Emmanuel avait averti le Sous-Préfet NGOGA de Gisenyi et les prêtres de Nyundo de la disparition de son père. Le S/Préfet aurait informé le responsable militaire de la localité. Celui-ci aurait répondu qu’il n’était pas au courant de cette disparition ou arrestation.
b) Monsieur SEBAHUNDE Maurice, un autre beau-frère de KANYABUGOYI avait été assassiné le 16 mai 1997 à 14 heures à environ 10 Km de Muramba, avec deux de ses collaborateurs. Il avait été attaqué par des éléments armés qui avaient érigé une barrière sur la route menant en commune Ramba d’où ils revenaient.
Tous deux sont apparentés au Colonel Théoneste LIZINDE, député du FPR assassiné le 6 octobre 1996 à Nairobi, en compagnie de son ami, le commerçant Augustin Bugirimfura.

2) Les disparitions forcées des cadres et intellectuels hutu, qui n’ont jamais cessé depuis la prise du pouvoir par le Front Patriotique Rwandais, s’intensifient à Kigali :
a) Le cas de Monsieur Pascal HITIMANA nous a été signalé. Ce cadre hutu de 52 ans, Directeur administratif de l’OCIR-Thé (Office des Cultures Industrielles du Rwanda – Département Thé), a disparu le 21 juillet 1998 alors qu’il se rendait, tôt le matin, à son travail. Les faits se sont produits dans le secteur GASOGI en commune RUBUNGO (Kigali-rurale).
b) Toujours dans le même secteur GASOGI, un certain Pacifique est porté disparu le 20 juillet 1998, alors qu’il était parti inviter des amis à son mariage. Deux autres jeunes gens ont disparu en juillet 1998 alors qu’ils se rendaient au marché de Mulindi (commune Kanombe).
De nombreuses autres disparitions ont été signalées dans le secteur de RUSORORO (dans le région de Kabuga) à une vingtaine de kilomètres de la capitale Kigali, toujours dans la même préfecture de Kigali-Rurale où des véhicules de la DMI continuent d’enlever les gens.
c) Arrestation et disparition de Mr Fidèle UWIZEYE, Témoin à décharge du TPIR:
Mr Fidèle UWIZEYE a été arrêté le 1er Mai 1998 aux environs de 17 heures à son domicile à Kimihurura. Agent du Ministère de l’Intérieur, du Développement Communal et de la Réintégration sociale (MININTER), il était chargé de la Direction du Développement communal. Il fut également Préfet de GITARAMA avant la tragédie d’avril 1994.
Son arrestation fut opérée par le Major MACUMU Augustin G2 de la Gendarmerie nationale. Conduit à la Brigade de Remera, il fut transféré dans un endroit inconnu depuis le 5 mai 1998. Par après, son épouse put le retrouver dans un état critique à la prison de Kimironko située à Remera dans la capitale Kigali. En mars 1998, il avait été cité et entendu, par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, comme témoin à décharge dans le procès de l’ex-Bourgmestre de TABA, Jean Paul AKAYESU. Il serait détenu pour cette raison.
d) Assassinat d’Emmanuel MUNYEMANZI, agent de la Télévision Rwandaise:
Mr Emmanuel MUNYEMANZI a disparu en date du 5 mai 1998 après les heures de service. Le 11 mai 1998, le cadavre d’Emmanuel Munyemanzi fut découvert par un agent de la Banque Commerciale du Rwanda (B.C.R.), près de l’Hôtel des Milles Collines au centre ville de la capitale Kigali. Ce dernier s’empressa d’alerter les amis et les connaissances pour qu’ils puissent aller récupérer le corps. Quand les amis arrivèrent à l’endroit indiqué, le cadavre de Emmanuel MUNYAMENZI avait disparu. Son épouse, Anne Marie HAKIZIMANA, croupit à la Prison centrale de Kigali depuis la fin de l’année 1994. Ils ont ainsi laissé cinq enfants seuls.
e) Arrestation et disparition de Monsieur SINDWANIRUBUSA Léonard:
Cet ancien agent du Ministère de l’Intérieur et du Développement Communal où il était en charge de la Division des Finances Communales, a été arrêté à son domicile le 7 mai 1998, à 6 heures du matin par plusieurs militaires. Il a été conduit à la Brigade de Remera. Personne n’a été autorisé à le voir durant sa détention à cette brigade
Il est aujourd’hui impossible de retrouver sa trace, malgré les efforts de ses proches. La Brigade de gendarmerie de Remera est désormais tristement réputée pour avoir fait disparaître bon nombre de détenus enfermés dans son cachot.
Le Centre demande instamment au Gouvernement Rwandais de :
– ordonner la libération immédiate et inconditionnelle de Monsieur Ignace Kanyabugoyi, exiger des poursuites judiciaires contre les auteurs de son enlèvement et des mauvais traitements qui lui ont été infligés, et lui permettre d’avoir accès, aux frais de l’État, aux soins médicaux que son état exige.
– poursuivre en justice tous les responsables civils et militaires impliqués dans les enlèvements, disparitions et exécutions extra-judiciaires de civils.
Le Centre demande au Collectif des Ligues et Associations rwandaises de défense des Droits de l’Homme (CLADHO) de mener des investigations urgentes et sérieuses sur des centaines de disparitions enregistrées depuis juin 1998 dans la capitale Kigali où il est basé, car il est habilité à le faire.
Le CLADHO est prié d’interpeller les autorités rwandaises et la Communauté internationale pour faire cesser ces disparitions et exiger le respect des procédures d’arrestation et de détention provisoire.
Pour le Centre, MATATA Joseph, Coordinateur.
(*) : Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda est une organisation de défense des droits humains apolitique basée en Belgique. Ses membres sont des militants des droits humains de longue date. Certains ont travaillé au Rwanda au sein d’organisations locales et ont participé à l’enquête sur le génocide de 1994. Lorsqu’ils ont commencé à enquêter sur les crimes du régime rwandais actuel, ils ont subi des menaces et ont été contraints de s’exiler à l’étranger où ils poursuivent leur engagement en faveur des droits humains.