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Com115/2009 – Gacaca : M. Pierre NTAMUSHOBORA condamné injustement

Le CLIIR dénonce et condamne le détournement criminel et l’utilisation des tribunaux GACACA pour déshumaniser et éliminer systématiquement des milliers d’intellectuels Hutu.

Condamnation injustifiée de Monsieur Pierre NTAMUSHOBORA par le tribunal Gacaca du secteur Nkotsi, district Musanze, province du Nord

Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda (CLIIR)* dénonce et condamne le détournement criminel et l’utilisation des tribunaux GACACA pour déshumaniser et éliminer systématiquement des milliers d’intellectuels Hutu parce qu’ils sont nés Hutu et non pour des crimes qu’ils auraient commis. Le CLIIR a déjà dénoncé ce détournement des tribunaux GACACA par des agents de la DMI (Directorate of Military Intelligence) dans son courrier du 01/06/2002 adressé à l’ancienne Vice présidente de la Cour Suprême du Rwanda chargée des juridictions GACACA, Madame Aloysie CYANZAYIRE, avec copie pour information à l’ancien ministre de la justice, Monsieur Jean de Dieu MUCYO,  qui a reçu ce courrier en mains.

Le CLIIR a appris avec consternation que Monsieur Pierre NTAMUSHOBORA a été condamné arbitrairement à perpétuité le mercredi 13 mai 2009 vers 19h30. Parce que les juges estimaient que la condamnation à perpétuité de ce patriarche du village ne sera pas bien accueillie et acceptée par la population locale. C’est pourquoi, ces juges ont attendu que la plupart des voisins de Monsieur Pierre NTAMUSHOBORA soient rentrés chez eux pour prononcer ce verdict injustifié. L’intéressé a naturellement refusé d’apposer sa signature sur un acte de jugement d’un tribunal qui venait de le condamner pour des crimes qu’il n’a jamais commis.

Des juges GACACA empruntés pour condamner Ntamushobora :

En effet, les personnes qui composaient au départ  le GACACA  ont été remplacées par les gens inconnus de la population locale et de l’accusé NTAMUSHOBORA Pierre, ces gens sympathisaient ouvertement avec les rescapés de la famille NSENGA.

Le GACACA s’est déroulé comme une sorte de Cinéma, tout le scénario du procès et du verdict avaient été programmé d’avance. On n’a pas laissé le temps à Monsieur NTAMUSHOBORA pour  se défendre. Les juges GACACA, inconnus dans la région n’ont pas permis aussi aux témoins à décharge de  s’exprimer. Pire encore, ces juges « mercenaires » n’ont pas tenu compte du témoignage à décharge d’un témoin primordial : à savoir Monsieur Bosco MVUYEKURE, le mari de la défunte Madame Mukayiranga, une femme qui avait été cachée par la famille Ntamushobora. Madame Muyakayiranga a pris des risques de rentrer chez son mari en croyant que les massacres avaient cessé mais elle fut tuée à son domicile cinq jours plus tard.

Le CLIIR demande au président rwandais, le général Paul KAGAME, d’autoriser la libération sans conditions de Monsieur Pierre NTAMUSHOBORA et de tous les autres intellectuels Hutus emprisonnés arbitrairement et considérés comme des prisonniers politiques. Le CLIIR lance un cri d’alarme à l’ancien premier ministre britannique, Monsieur Tony BLAIR, devenu conseiller bénévole et plénipotentiaire du président Kagame, afin qu’il intervienne dans le dossier de Pierre Ntamushobora et en faveur des autres prisonniers politiques du Rwanda.

Selon son curriculum vitae très chargé, Monsieur Pierre Ntamushobora semble avoir été condamné parce que c’est un intellectuel Hutu qui a exercé des fonctions très importantes sous la première et la deuxième République jusqu’à sa retraite en 1985. En effet des milliers de professeurs, d’instituteurs, d’agronomes, de médecins, d’anciens fonctionnaires et anciens responsables administratifs ont été emprisonnés depuis juillet 1994 non pas pour les crimes qu’ils auraient commis, mais parce qu’ils sont nés Hutus.

Qui est Pierre Ntamushobora ?

Ce vieux fonctionnaire Hutu, reconnu pour son intégrité morale, est né en 1927 à Mukirangwe,  Buhoma en préfecture Ruhengeri. En 1950, Monsieur Ntamushobora s’est marié avec Madame Anastasie Ntikazavaho (décédée) et ils ont eu 11 enfants dont 7 sont en vie. Son domicile se trouve au village Balizo, cellule Bikara, secteur Nkotsi, district Musanze.

Etudes faites :

·         De 1940 à 1946 : Ecole Primaire de MUKIRANGWE

·         De 1946 à 1950 : Ecole Normale de ZAZA avec Diplôme D4

Il a exercé différentes fonctions et affecté à différents postes :

·         De 1950 à 1954 : Enseignant à l’Ecole Primaire de Janja (NDUSU)

·         De 1954 à 1959 : Enseignant à l’Ecole primaire de Murama (NYAMUTERA)

·         En 1959 : Président du parti MDR PARMEHUTU et Chef Provisoire de Buhoma-Rwankeri.

·         A partir du 01/03/1961 jusqu’en 1968, Monsieur Ntamushobora a travaillé dans différentes régions du Rwanda et où il a exercé des fonctions de Sous-préfet dans les préfectures de Ruhengeri, Gisenyi, Byumba, Cyangugu et Kibuye :

En 1968 il a suivi un stage au Canada et dès son retour au Rwanda il a travaillé comme suit :

·         Fin 1968 à 1969 : Chef de cabinet au Ministère des Travaux Publics et de l’Energie.

·         De 1970 à 1978 : Chef du personnel au Régie des eaux (ELECTROGAZ) à Kigali

·         De 1979 à 1985 : Chef du personnel à la Centrale électrique de NTARUKA à Ruhengeri

·         Il a pris sa retraite bien méritée en 1985.

Connue pour son intégrité, il a eu des activités politiques :

·         Depuis la réinstauration du multipartisme au Rwanda, il a été Président du MRND dans la  Commune de NYAKINAMA de 1991 à mi-juillet 1994.

·         De juillet 1994 jusqu’en Octobre 1996 il a été réfugié au CONGO (ex-Zaire)

·         En octobre 1996, il a été rapatrié au Rwanda après les massacres et le démantèlement meurtrier des camps de réfugiés Hutu en République Démocratique du Congo.

·         Il a été arrêté et emprisonné arbitrairement depuis le 12/12/1996 jusqu’à ce jour. Il a été détenu dans la prison de Ruhengeri et celle Mpanga (près de Nyanza au centre).

Les véritables raisons de son emprisonnement arbitraire sont les suivantes :

          Avoir été le président du MDR PARMEHUTU (chefferie  de Buhoma-Rwankeri)

          Avoir été un des hauts fonctionnaires sous la 1ère et la 2ème République.

          Avoir été le Président du MRND dans la Commune NYAKINAMA

Ces trois critères semblent constituer la cause réelle de son incarcération injustifiée car il n’a tué ou fait tuer personne. D’ailleurs lorsqu’il fut libéré le 20/12/2000 et tous les habitants du village se sont réjouis et l’ont accueilli croyant que son calvaire injustifié était terminé. Malheureusement il fut arrêté de nouveau et remis en prison le 12/01/2001 sans aucune explication.

Les fausses accusations portées contre lui sont les suivantes :

          Planificateur du Génocide

          Assassinat de Monsieur NSENGA et sa fille MUKAYIRANGA à Nyakinama.

En réalité Monsieur NSENGA a été tué par un groupe de jeunes miliciens Hutu non originaires de Nyakinama. Quant à la mort de sa fille MUKAYIRANGA, Monsieur NTAMUSHOBORA  l’avait caché chez lui. A un certain moment Mme Mukayiranga a cru que le calme était revenu et elle est retournée chez elle malgré l’opposition de Ntamushobora qui lui conseillait de rester à l’abri. Mais elle a tellement insisté qu’elle a fini par rentrer chez elle. Malheureusement, arrivée chez, elle a été rattrapée par ses assassins qui l’ont tué.

Un témoin à décharge nommé NZUNGU, qui avait accusé M. NTAMUSHOBORA d’avoir trempé dans tous ces massacres après avoir été torturé par les agents de la DMI, est revenu sur ses accusations. Il a affirmé  que NTAMUSHOBORA n’avait rien avoir avec ces massacres.

Les habitants de Nyakinama croient que la fille du défunt NSENGA (NSENGA Béatrice) qui est devenue juge ainsi que les  militaires qui ont détruit sa maison (de NTAMUSHOBORA) dont un certain Vincent NYAKARUNDI (qui est actuellement attaché militaire aux USA) influenceraient son maintien en prison.

Monsieur Pierre NTAMUSHOBORA avait été libéré le 20/12/2000 suite à son état de santé, mais il a été remis en prison le 12/01/2001 sous  prétexte qu’il aurait  provoqué l’insécurité alors qu’il était incapable de quitter son lit. Il n’a même pas bénéficié la grâce présidentielle autorisant la libération de personnes âgées et malades. Rappelons que NTAMUSHOBORA est actuellement âgé de 82 ans.

Le 23/10/2002, Monsieur NTAMUSHOBORA Pierre a été condamné arbitrairement à la peine de mort par le Tribunal de Première Instance (TRIBINSTANCE) de Ruhengeri. Avant cette condamnation on l’a fait passer dans sa commune Nyakinama et celle de Nyamutera pour recueillir les témoignages de la population qui l’a innocenté partout. Malgré tous les témoignages à décharge recueillis auprès de la population des deux communes, le Tribinstance de Ruhengeri l’a condamné à la peine capitale sur base de fausses accusations ci haut énumérées. Monsieur NTAMUSHOBORA Pierre a immédiatement interjeté appel. Curieusement, au lieu de fixer son procès en appel, on l’a transféré devant la juridiction GACACA alors qu’il devait être jugé à la Cour d’Appel de Ruhengeri, si la procédure normale avait été respectée.

Son procès GACACA devait commencer en octobre 2008. Curieusement, il a commencé le 15/04/2009. Les autorités judiciaires attribuaient ce retard à la maladie de la veuve de feu Monsieur NSENGA qui calomnie M. Pierre NTAMUSHOBORA d’avoir tué son mari. En  réalité, comme ce fut le cas pour tous les anciens dignitaires et fonctionnaires Hutu, toutes les fausses accusations sont avancées pour le faire condamner à tout prix.

Recommandations : Le CLIIR recommande instamment que M. Pierre Ntamushobora et de nombreux autres intellectuels et anciens fonctionnaires emprisonnés arbitrairement soient libérés immédiatement et sans conditions. Qu’ils soient rétablis dans leur honneur et dédommagés pour les années d’emprisonnement arbitraire. Que les tribunaux GACACA ne soient plus détournés et utilisés pour faire condamner des citoyens Hutu innocents.

Bruxelles, le  20 juin 2009

Pour le Centre, MATATA Joseph, Coordinateur.