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Dossier-2004 : Musellement de la société civile au Rwanda

Le CLIIR dénonce et condamne la politique répressive des autorités rwandaises visant à affaiblir et museler la Société Civile rwandaise : plusieurs membres des associations ont été assassinés, emprisonnés ou poussés à l’exil.

Rwanda-ONG : Faire taire la société civile est un vieux projet de la junte militaire du président Paul KAGAME (Note pour information)
Introduction :

Mercredi, le 30 juin 2004, après trois jours de débat, le Parlement rwandais a demandé au Gouvernement de dissoudre cinq organisations de la Société Civile en raison de leur prétendu soutien à des idées génocidaires. Il a aussi demandé qu’une action soit intentée contre certaines organisations non gouvernementales internationales actives au Rwanda. Ces organisations internationales sont accusées de soutenir les groupes locaux accusés de nourrir une idéologie génocidaire. Ce Parlement a aussi nommé les Pays-Bas et la France comme pays accordant un soutien à des organisations rwandaises qui ont une idéologie génocidaire. Dans le rapport parlementaire, des allégations ont aussi été porté contre plusieurs établissements d’enseignement secondaire et supérieur ainsi que les confessions religieuses.
Comment comprendre cette recommandation du Parlement rwandais qui vise la dissolution des organisations, dont les activités sont orientées vers le développement du monde rural ? Cette attaque des autorités rwandaises entre dans la ligne d’une stratégie de longue haleine prise par le Gouvernement actuel de Kigali pour museler la Société Civile rwandaise et détourner l’attention de la communauté internationale des véritables problèmes de la société rwandaise en général et plus spécifiquement celles des personnes vivant dans le milieu rural.
1. Aperçu sur les organisations dernièrement visées par le Parlement rwandais
Les Organisations non gouvernementales (ONG) rwandaises visées sont :

  • LIPRODHOR – Ligue Rwandaise pour la Promotion et la Défense des droits de l’Homme 

  • FOR – Forum des organisations rurales- basé dans la province de Ruhengeri ;

    • SDA-IRIBA – Services au Développement des Associations – basé dans la province de Gikongoro ;

    • IMBARAGA – Syndicat des fermiers rwandais;

    • BAIR – Bureau d’Appui aux Organisations Rurales, basé dans la Province de Gisenyi ;

    • Témoins de la Résurrection (Abahamya b’Izuka) du district de Muramba, Province de Gisenyi ;

    • Souvenirs des Parents du district de Gasiza / Province de Gisenyi ; et

    • CRECAM – Fonds d’aide mutuelle aux agriculteurs ;

Les institutions religieuses « accusées » d’encourager l’idéologie du génocide comprennent :

  • Église Catholique ;

    • Certains groupes de l’Église épiscopale ;

    • Église méthodiste libre ;

    • Église baptiste ;

    • Association des Églises pentecôtistes ; et

    • Les Témoins de Jéhovah.

Les établissements d’enseignement secondaire et supérieur cités sont :

  • Université Nationale du Rwanda ;

    • Ecole secondaire de Kansi (province de Butare) ;

    • Ecole secondaire de Rebero (province de Byumba) ;

    • Ecole secondaire de Gatovu (province de Ruhengeri) ;

    • Ecole secondaire de Busogo (province de Ruhengeri) ;

    • Ecole secondaire APEJERWA (province de Gisenyi).

Les ONG internationales visées sont :

  • 11.11.11 ;

    • Norvegian People’s Aid ;

    • Trocaire ;

    • Care International ;

    • Pax Christi ; et

    • Fondation Adolph Kolping

2. Contexte historique de la dissolution des ONG rwandaises
Depuis la prise du pouvoir par le Front Patriotique Rwandais (FPR) en juillet 1994, les chefs militaires du FPR se sont constitués en une junte militaire qui a installé au Rwanda un pouvoir criminel, menteur et pillard, basé sur le mensonge et le terrorisme d’Etat dans un pays où le pouvoir réel se trouve entre les mains d’un petit noyau de chefs militaires et politiques qui jouit d’un «pouvoir occulte » et qui constitue « un gouvernement parallèle ». C’est ce noyau, composé de chefs militaires criminels impliqués dans le génocide rwandais, qui contrôle, paralyse et tient en otage les "Institutions officielles de l’Etat Rwandais".
L’actuel Gouvernement est noyauté, gangrené, paralysé et terrorisé par l’ingérence de cette junte militaire dans tous les secteurs de l’Administration publique et de la vie nationale. En effet tous les parlementaires, les sénateurs, les petits et grands fonctionnaires de l’Etat sont nommés ou démis, avec l’accord préalable des "agents de sécurité omnipotents et omniprésents », et ce, dans tous les coins, même les plus reculés, du pays. Ces agents sont essentiellement des militaires des FRD (Forces Rwandaises de Défense) qui constitue l’ancienne Armée Patriotique Rwandaise (APR) mise en place par le FPR. Le Service de Renseignements civils du Premier Ministre (SRP) a été saboté, neutralisé et absorbé par la Directorate of Military Intelligency (DMI) depuis décembre 1994, lorsque tous les Chefs du SRP au niveau des préfectures furent séquestrés à Mburabuturo (Kigali ville) pendant plusieurs jours. Par la suite, ces agents du SRP ont démissionné au moment où certains de leurs collègues furent assassinés ou portés disparus. Sans Service de Renseignements civils "neutre et indépendant" qui l’informe sur la situation intérieure, aucun Gouvernement ne peut fonctionner et sanctionner car il devient dépendant des services de renseignements militaires de l’Armée et de la Police, qui terrorisent et oppriment la population au nom des institutions officielles de l’Etat Rwandais.
Ce sont ces institutions de façade (gouvernement, parlement, sénat, et magistrature) que ces chefs militaires manipulent et contraignent à voter et à appliquer des lois injustes et liberticides. C’est cette junte militaire qui commandite des lois, des décrets-lois, des commissions d’enquête parlementaire (comme celle qui tente d’anéantir la Société civile rwandaise actuellement), des mises en application des décisions arbitraires, des enlèvements, la torture, des arrestations et des emprisonnements arbitraires. Tout cet arsenal est destiné à opprimer et à terroriser la population afin de mieux la dominer et l’empêcher à réfléchir, à s’organiser, à évoluer et à se développer matériellement, moralement, spirituellement et psychologiquement.
La commission parlementaire qui vient de proposer la dissolution des associations et ONG des droits humains et de développement a été mise en place en janvier 2004 par la junte militaire qui s’assure l’impunité par tous les moyens criminels. Cette commission est présidé par les députés MUNYARANGABO François et Ezéchias RWABUHIHI respectivement président et vice-président de la dite commission.
Pour s’assurer l’impunité, la junte militaire du Général Paul KAGAME tient à faire taire toute voix qui peut exercer un quelconque contre-pouvoir. C’est pour cela que la Société Civile a été perçue comme « dangereuse » dans la mesure où elle avait commencé à se structurer déjà à l’époque du président Juvénal Habyarimana en Juillet 1993.
L’objectif de la junte militaire est de détruire les coopératives utiles et influentes du Mouvement associatif au Rwanda. Pour le FPR, la priorité est d’appauvrir la population rwandaise car « ventre affamé ne réfléchit pas, donc ne conteste pas ». La meilleure stratégie consiste à éliminer par tous les moyens les dirigeants ou les personnes influentes de la Société civile rwandaise pour les remplacer par des « hommes de service » du FPR. Toutes coopératives ou associations que la junte militaire n’arrive pas à infiltrer et à récupérer ont été détruites ou sont en voie de l’être. La stratégie de destruction ou de récupération reste toujours la même. Les responsables incorruptibles ou irrécupérables sont purement et simplement assassinés par balles, empoisonnés, contraints à l’exil ou emprisonnés arbitrairement sous plusieurs prétextes qui ne manquent jamais au Rwanda où des syndicats de délateurs ont été implantés et exploités par les extrémistes tutsi dès avril 1994.
Selon Human Rights Watch, « l’interprétation que fait la commission des “idées génocidaires,” interdites par la loi rwandaise, est si large qu’elle va jusqu’à inclure tout dissentiment sur les projets du Gouvernement en matière de consolidation des avoirs fonciers ». Quant à Amnesty International, il craint que le contenu de ce document, qui semble reposer sur des allégations incertaines et des recherches bâclées, ne fasse peser une menace sur certaines personnes. En outre, plusieurs députés ont demandé que les responsables des institutions citées ci-dessus soient condamnés à la peine de mort. Dans le contexte social du Rwanda actuel, les responsables de ces ONG pourraient tout simplement être assassinés sans autre forme de procès. Devant la communauté internationale, les autorités vont exposer les arguments relatifs aux éléments incontrôlés des forces de sécurité, à certains rescapés du génocide traumatisés ou aux «malfaiteurs non identifiés ». Au cas échéant, ces responsables vont être emprisonnés pour limiter leurs contacts avec les membres de leur famille et leurs ONG.
Le Gouvernement rwandais dirigé par le FPR sait bien qu’il ne lui sera pas facile de diriger les Rwandais aussi longtemps que lumière ne sera pas faite sur les tueries de masses organisées par l’Armée Patriotique Rwandaise, au Rwanda et dans les forêts du Congo, depuis Octobre 1990 jusqu’à l’heure actuelle. Ce Gouvernement sait aussi que l’exclusion des forces vives de la nation dans la gestion du bien public pour s’appuyer sur des groupuscules aux idées belliqueuses est une politique sans issues possibles, vus les problèmes actuels de l’économie nationale. Les autorités rwandaises savent aussi que la guerre au Congo n’est faite que pour piller ses richesses et qu’elle ne profite qu’à l’entourage direct du Général Kagame. Par ailleurs, les Rwandais voient que les conditions de vie de la population se dégradent de jour en jour et que les zones rurales n’ont pas accès aux infrastructures de base. Les organisations qui ont un contact direct avec les paysans avaient compris. Ils pouvaient proposer de nouvelles approches pour aider les Rwandais à sortir du labyrinthe des problèmes de l’après-guerre, pour penser aux objectifs de développement à long terme.
Connaissant bien les dynamiques de développement de la société rwandaise, et le rôle que peut jouer la Société Civile dans la sensibilisation de la population sur les enjeux du développement ; et la tendance actuelle des bailleurs de fonds pour appuyer les projets qui visent le développement autocentré des populations et leur responsabilisation à l’auto prise en charge, les autorités actuelles sentent leur survie menacée et savent qu’ils ne peuvent plus appuyer leur pouvoir sur le mensonge. Ainsi, la Organisations de la Société civile sont muselées et les ONG internationales qui ont une certaine réputation parmi la population sont intimidées. Quelques éléments montrant la conscientisation de la Société civile rwandaise sont reportés en annexes 1 et 2.
3. Bref historique des agissements des autorités de Kigali envers la Société Civile
3.1. Musellement de la Société Civile rwandaise
Pour affaiblir la Société Civile rwandaise, plusieurs membres des associations de la société civile ont été assassinés, emprisonnés ou se sont exilés pour échapper à la mort ou à la prison.
La chronologie des décrets du pouvoir de Kigali pour saboter ou désactiver les associations de la Société Civile et des attaques ouvertes en l’encontre de associations peut être présenté par les quelques cas de figure suivants :
Avril 1994 : Le Secrétaire Permanent de la LIPRODHOR, Monsieur Charles MBABAJENDE, est assassiné par les soldats du FPR dans un camp de rassemblement dans la zone occupée de BYUMBA où il avait cru se réfugier pour échapper aux massacres des miliciens hutu «  Interahamwe », de son lieu de résidence à Kicukiro, Kigali ville.
Juin 1994 : Le 5 juin 1994, le FPR décapite l’Eglise catholique du Rwanda par le massacre de trois évêques et une dizaine de prêtres catholiques à Gakurazo, commune Mukingi, préfecture de Gitarama. Les trois évêques catholiques sont Mgr Vincent Nsengiyumva, Archevêque de Kigali, Mgr Thaddée Nsengiyumva, Evêque de Kabgayi, Mgr Joseph Ruzindana, Evêque de Byumba. Mgr Innocent GASABWOYA était tutsi et fut pendant plus de 20 ans Vicaire général, ami et collaborateur direct de Mgr André PERRAUDIN, évêque de Kabgayi de 1956 à 1990. Ce dernier a été assassiné avec les trois évêques car il était paradoxalement taxé de génocidaire par les extrémistes tutsis au pouvoir au Rwanda. Ils ont été massacrés par les soldats du FPR commandés par le Major GUMISILIZA sur ordre direct du Général KAGAME. Pourtant ces évêques avaient tenté de protéger jusqu’au bout les 35.000 réfugiés à l’Evêché de Kabgayi. Ils avaient refusé l’offre d’évacuation pour ne pas abandonner les réfugiés aux miliciens hutu.
Décembre 1994 : L’ARDHO (Association Rwandaise de Défense des Droits de l’Homme) organise des conférences-débats à Gitarama et à Butare à l’occasion du 46ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. A Gitarama les autorités préfectorales accordent l’autorisation tandis que celles de Butare la refusent pour des motifs inavoués. Quelques mois plus tard, le Préfet de Butare, Pierre Claver RWANGABO, sera assassiné avec son fils et son chauffeur. Seul son garde de corps, le soldat du FPR Egide survivra
Décembre 1994 : Les rescapés de la Société Civile se sont concertés pour relancer leurs activités et jouer le rôle qu’ils s’étaient fixé déjà en juillet 1993. Les représentants des associations des droits humains membres du Collectif des Ligues et Associations de défense des Droits de l’Homme (CLADHO) ainsi que ceux d’autres ONG intéressées décidèrent de fonder une « Radio des droits de l’homme » au Rwanda avec un financement de l’Union Européenne et sous le haut patronage entre autres d’Amnesty International, Reporters Sans Frontières, etc.…Le Ministre de l’Information d’alors – Monsieur Jean Baptiste NKULIYINGOMA, journaliste de profession – accepta de signer le protocole d’accord mettant en place cette radio des droits de l’homme. La cérémonie de signature de ce protocole, qui devait se dérouler à l’Hôtel Mille Collines le 5 décembre 1994 à 14h, fut annulée ce jour-là à 11h, sur ordre de la Présidence de la République. Les plus hautes autorités rwandaises auraient « verbalement » ordonné au Ministre de l’information d’annuler cette cérémonie et de rejeter le projet sous prétexte que ces associations vont diffuser l’idéologie du génocide.
On peut affirmer que le musellement de la Société civile par la junte militaire de Paul Kagame a commencé à cette époque, lorsque la population rwandaise avait besoin d’être éduquée et sensibilisée à ses devoirs, ses droits et ses libertés fondamentaux. Les chefs militaires et politiques du FPR, impliqués dans les crimes de génocide, ont démontré par là qu’ils avaient peur d’une Société Civile qui communique et dialogue avec la population.

    Janvier 1995 : Depuis cette période, de nombreux journalistes rwandais ont été assassinés, harcelés, intimidés et/ou emprisonnés arbitrairement. Nous gardons en mémoire le journaliste Mutsinzi Edouard, dont le crâne a été fracassé par les agents de la DMI le 30 janvier 1995, pour avoir dénoncé les injustices commises par le nouveau régime du FPR. Des dizaines de journalistes croupissent dans les prisons rwandaises.

    Avril 1995 : Le 2 avril 1995, les autorités préfectorales de Cyangugu ont fermé la frontière aux 53 camions du Programme Alimentaire Mondiale (PAM), après une série d’attaques qu’elles ont attribuées à des hommes armés venus des camps de réfugiés du Zaïre. Selon le PAM ,le Gouvernement rwandais bloque les convois d’aide alimentaire destinée aux réfugiés de Goma et de Bukavu qui devaient transiter par Gisenyi (24 camions bloqués à Kigali) et par Cyangugu (29 camions), l’ensemble transportant 2.000 tonnes de secours destinées à un million de réfugiés.

    Le 12 avril 1995, une manifestation organisée à Kigali par des associations de rescapés du génocide a réclamé le départ des troupes de l’ONU (MINUAR II) les accusant de protéger des tueurs et des miliciens qui se trouvent dans les camps de réfugiés situés dans le sud-ouest du pays, l’ancienne zone turquoise. « Les 115 observateurs des droits de l’homme de l’ONU sont, quant à eux, accusés, notamment par l’organisation AFRICAN RIGHTS, de s’intéresser plus aux actuelles violations des droits de l’homme qu’à la documentation sur le génocide proprement dit » La junte militaire manipule donc des ONG à sa solde pour attaquer les effectifs de l’ONU opérant au Rwanda. A la même date du 12 avril 1995, une attaque des soldats du FPR contre le camp de réfugiés hutu de BIRAVA au sud-Kivu (ex-Zaïre) fait 28 morts dont 2 citoyens congolais. D’après le porte-parole du Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR), un commando d’inconnus est arrivé à bord de trois pirogues et d’un canot à moteur, avant de se diriger vers le camp de Birava où se trouvaient 9.000 réfugiés hutus.

Août 1995 : Le 1 août 1995, le Curé de Kamonyi, Pie Ntahobari a été enlevé dans sa paroisse par des individus en tenue militaire. Il fut retrouvé mort dans une bananeraie située non loin de la paroisse. Il a été tué par balle dans la tête.

    Décembre 1995 : A l’occasion du 47ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le CLADHO a organisé une semaine des droits de l’homme sous le thème central de la justice. Ce thème inquiète la junte militaire de Paul Kagame qui tient à s’assurer l’impunité par tous les moyens. Bravant cette inquiétude des chefs militaires et politiques du FPR impliqués dans les crimes de génocide, du 2 au 10 décembre 1995, les associations membres du CLADHO (ARDHO, AVP, ADL, LIPRODHOR) ont organisé une série de conférences dans les écoles secondaires de Kigali, Kibuye, Byumba et Ruhengeri sur les thèmes des droits de l’enfant, la prévention et la répression du crime de génocide, la rôle de la jeunesse dans la prévention et la résolution des conflits, etc. Après avoir présidé, à l’Hôtel des Diplomates à Kigali, les cérémonies de clôture de la semaine des droits de l’homme le 10 décembre 1995 à 19h30, le président du CLADHO, Monsieur Jean Baptiste BARAMBIRWA, a été enlevé et séquestré par les militaires dans un lieu inconnu.

    Cette initiative du CLADHO, ajoutée aux diverses activités des associations membres provoqua la panique des chefs militaires et politiques du FPR qui décidèrent de détruire ces associations une par une. Le processus commença comme suit :

    L’AVP (Association des Volontaires de la Paix) qui comptait plusieurs membres de l’ethnie tutsi, s’allia immédiatement au FPR. Pour ne pas affronter le régime, il choisit comme activité principale celle qui plaisait au régime du FPR : l’assistance aux victimes tutsi du génocide. Son ancienne Secrétaire permanente, Bernadette Kanzayire occupe de hautes fonctions au sein du FPR et de son régime depuis 1996.

    L’ARDHO (Association Rwandaise de Défense des Droits de l’Homme), qui a été créée le 30 septembre 1990, comptait parmi ces membres des juristes, des magistrats, des journalistes, des paysans progressistes et quelques hommes d’affaires. Dans le cadre de son grand projet « Observatoire National des Droits de l’Homme, ONDHO », l’ARDHO créa deux brigades mobiles de Mission et de Surveillance permanente qui devaient sillonner le pays et les lieux de détention et relever les violations des droits humains sur tout le territoire. Depuis 1995, l’ARDHO se distingua par ses rapports sur les cachots et les prisons, sur les massacres et les assassinats dans le pays. Résultat : l’ARDHO fut la première victime de la junte militaire. Son secrétaire permanent, Joseph MATATA, s’exila le 27 février 1995 en Belgique où il continue à s’investir dans la lutte en faveur des droits humains. Le 1er président de l’ARDHO, Monsieur Alphonse Marie NKUBITO, qui devint Ministre de la justice entre le 19/07/1994 et le 28/08/1995, fut retrouvé mort mystérieusement dans la matinée du 13 février 1997. D’autres responsables et membres de l’ARDHO se sont exilés progressivement à l’étranger. L’ARDHO est aujourd’hui une ONG complètement récupérée par les proches du pouvoir.

    L’ADL (Association Rwandaise pour la Défense des Droits de la personne et des Libertés publiques) se distingua par ses courageuses déclarations sur les massacres de populations civiles. Sa déclaration du 18/09/1995 condamna le massacre de 110 paysans tués par le FPR dans la nuit du 11 au 12 septembre 1995 dans les secteurs Bisizi et Kayove de la commune KANAMA. Dans sa déclaration du 13/02/1997 sur « La recrudescence de l’insécurité » dans tout le pays, l’ADL dénonça les massacres de civils innocents et les assassinats des anciens officiers des ex-Forces Armées Rwandaise rapatriés fin 1996. En 1997, le président de l’ADL, Monsieur Jean Baptiste Barambirwa, s’exila au Canada. D’autres responsables de l’ADL, comme les juristes Jean RUBADUKA et François NDEZE, furent persécutés et menacés. Finalement l’ADL semble être morte suite à son inactivité et manque de financement provoqués par le régime de Kigali.

    La LIPRODHOR (Ligue Rwandaise pour la promotion et la défense des Droits de l’Homme) choisit comme activités principales la visite des prisons et l’observation des procès du génocide. Elle subit la première attaque du régime en novembre 1994 lorsque son ancien président, Monsieur Innocent MAZIMPAKA, devient la cible de l’ONG African Rights de Rakiya Omar qui se faisait manipuler par les extrémistes tutsi du FPR. Dans ses émissions du 29, 30 et 31 mai 1996, la Radio Nationale s’attaqua à la LIPRODHOR en l’accusant de couvrir des génocidaires. Dans son communiqué à la presse du 31 mai 1996, la LIPRODHOR réfuta toutes ces accusations et affirma sa détermination dans la défense des droits humains et dans la lutte contre l’impunité. Début 2003, elle fut encore accusée arbitrairement d’enseigner l’idéologie génocidaire par une commission parlementaire manipulée par la junte militaire. Dans sa déclaration du 30 juin 2004, la LIPRODHOR est surprise et indignée par les allégations contenues dans le rapport de la Commission parlementaire qui était chargée d’enquêter sur les tueries perpétrées dans la province de Gikongoro et sur l’idéologie du génocide. Depuis sa création en 1991, la LIPRODHOR a toujours fait objet de menaces de la part de certains hommes politiques, lesquelles menaces étaient dues, d’une part, à sa ferme détermination à défendre les droits de l’homme et, d’autre part, à une mauvaise perception par les autorités de l’ancien régime des activités d’un activiste des droits humains. Ces menaces ont valu à la LIPRODHOR des clichés tels « complices des inyenzi ». Ceci a eu pour conséquence l’assassinat d’une trentaine de ses membres pendant le génocide de 1994. Sous le régime du FPR, les membres de la LIPRODHOR ont de nouveaux clichés : « ibipinga » (opposants au pouvoir), « abayanja » (sympathisants du parti PDR Ubuyanja, de l’ancien président Pasteur BIZIMUNGU) et de « divisionnistes ». Aujourd’hui, c’est au Parlement rwandais de l’accuser de « véhiculer l’idéologie génocidaire » ! Il n’y a pas de doute que cette persécution qu’elle est en train de subir est en rapport avec sa mission de défense des droits de l’homme. Au moment où la LIPRODHOR dispose de preuves de sa collaboration avec différentes autorités en menant ses activités au service de la Nation, certains pensent que leurs intérêts sont en jeu. La LIPRODHOR est la dernière association vraiment active au Rwanda.

Juin 1996 : Le 24 Juin 1996, le Père belge SIMOENS, responsable de l’Orphelinat Don Bosco de Cyotamakara en commune NTYAZO (Butare) a failli être assassiné peu après la messe du soir. Son ancien protégé de l’orphelinat de Nyanza, devenu entre-temps soldat de l’APR nommé NGABOYISONGA Kizito, est venu le tuer sans pouvoir l’atteindre. Néanmoins, ce militaire n’a pas hésité à tuer ses deux anciens collègues à l’orphelinat de Nyanza: Jean-Baptiste (qui a tenté d’aller alerter le Père Simoens) et Tito qu’il a trouvé dans la chapelle. Ce criminel a tenté de se suicider en se tirant, à son tour, deux balles, l’une à la poitrine, l’autre à l’épaule.
Novembre 1996 :
Assassinat de Mr SEMWAGA Augustin dans la soirée du 4 Novembre 1996 vers 21h chez lui par un groupe de “cinq malfaiteurs” dont trois étaient en tenue militaire. Ils ont intercepté Mr Augustin et son épouse devant leur portail au moment où ils revenaient chez eux après avoir accompagné un visiteur. Il était Chargé de l’Environnement et de la Réintégration des déplacés de guerre au PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) où il venait de travailler pendant une année et demie, de retour du Burundi.
Dans la soirée du 6 Novembre 1996 Mme UWIMANA Veneranda est assassinée par un malfaiteur qui l’a abattue de deux balles dans la tête. Elle venait de rentrer de son travail et son chauffeur Kagabo Amini (rapatrié du Burundi) venait de reculer son véhicule et d’éclairer la victime au moment où le premier coup de feu retentissait. Elle était Chef du Personnel au PNUD à Kigali. Elle se sentait menacée depuis qu’elle travaillait avec une “jeune employée sans fonction” qui semblait attendre une “éventuelle place vacante” au Bureau du Personnel.
Dans la matinée du 14/11/1996 Mr NSHIMIYIMANA Jean Pierre est enlevé chez lui dans le secteur Nyakabanda, commune Nyarugenge (Ville de Kigali) près de l’Eglise Saint-Kizito. Il était Responsable du Centre Pastoral des Jeunes de la Paroisse Nyamirambo et agent du Collège Saint-André de Nyamirambo. Il a été embarqué par des “hommes armés” dans une voiture “sans plaques”. Les membres de sa famille ont cherché partout dans tous les cachots sans le trouver.
Dans la soirée du 17 Novembre 1996 Mr GAKUSI J. Baptiste est assassiné chez lui à Remera par des malfaiteurs armés. Membre du Bureau Politique du PSD (Parti Social Démocrate) et ex-agent du PNUD, Mr Gakusi s’apprêtait à réintégrer son service au PNUD après avoir réussi l’examen prévu à cet effet.
Les mobiles de l’assassinat des agents du PNUD sont dévoilés dans sa lettre ouverte au Général Paul KAGAME (alors Vice président de la République) par le journaliste Jean Pierre MUGABE réfugié aux USA depuis 1999 : « Il y a deux ans, deux cadres du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), SEMWAGA Augustin et UWIMANA Veneranda étaient assassinés à intervalle rapproché à leur domicile. Un semblant d’enquête a été engagé mais sans aucun résultat. Tout ce que l’on sait, c’est que ces cadres ont été tués par des agents de l’ESO (External Security Office = Service des renseignements extérieurs) dans le but de justifier la nécessité de licencier des cadres du PNUD hostiles au déblocage des fonds d’aide pour le Rwanda. Cela s’est passé comme vous l’aviez programmé. Vous avez qualifié ces assassinats de conséquences de troubles d’ordre ethnique fomentés par certains cadres du PNUD. De ce fait, des cadres ont été renvoyés. Une enquête indépendante est impérative pour identifier les militaires qui ont assassiné ces personnes ».
Le 25 Novembre 1996 Mr HABYALIMANA Fulgence  est assassiné à Mwogo (Gikongoro) par deux militaires de l’APR qui l’ont abattu d’une balle à la tête. Il leur avait offert un transport gratuit dans sa camionnette plaque n° RR 7959 jusqu’au petit centre de Rwamiko. De retour de Kibeho où il était allé chercher une liste des “rescapés du génocide” à qui l’on devait construire des maisons. Mr Fulgence était le Coordinateur du Comité diocésain de Gikongoro chargé de Développement (CDD). Ces malfaiteurs, arrêtés, prétendaient le considérer comme “un génocidaire”! En plus de son travail habituel, Mr Fulgence était représentant à Gikongoro de la LIPRODHOR (Ligue Rwandaise pour la Promotion des Droits de l’Homme) aujourd’hui menacée de dissolution par le Parlement.
Le 30 novembre 1996, l’évêque catholique de Ruhengeri, Mgr Phocas NIKWIGIZE, fut enlevé par les soldats du FPR lors de son retour au Rwanda à la frontière rwando-congolaise de Gisenyi. On ne l’a plus revu jusqu’à ce jour. Aucune enquête n’a été initiée par le régime Kagame pour le retrouver
Février 1997 :

    Le 1er président de l’ARDHO, Monsieur Alphonse Marie NKUBITO, qui devint Ministre de la justice entre le 19/07/1994 et le 28/08/1995, fut retrouvé mort mystérieusement dans la matinée du 13 février 1997.

Avril 1997 : L’assassinat du journaliste Appolo Hakizimana a coïncidé avec celui de Mademoiselle Griet BOSMANS, directrice belge de l’Ecole secondaire des filles de Muramba (Satinsyi-Gisenyi). Tous les deux ont été assassinés dans la nuit du 27 avril 1997 avec 17 élèves et quatre personnes qui logeaient ce jour dans cette école. Mademoiselle Griet BOSMANS s’était illustrée dans la dénonciation des tueries commises par l’APR (Armée Patriotique Rwandaise) sur des civils innocents sous prétexte de combattre des rebelles hutu.
Juillet 1997 : Le 5 juillet 1997, le Coordinateur de COFORWA (Compagnie des Fontainiers Rwandais), Monsieur NKUNDABATWARE Jean-Baptiste, son épouse et cinq de ses enfants ont été massacrés dans des circonstances non encore élucidées. D’autres agents de cette ONG se sont exilés après 1997.
Mars 1998 : Le 09/03/98, Mgr André Sibomana, directeur du journal catholique Kinyamateka, est décédé de maladie. Les autorités rwandaises lui avaient refusé un passeport qui devait lui permettre d’aller se faire soigner en Suisse. Les persécutions contre Mgr André Sibomana, ont débuté avec la prise du pouvoir par le FPR. Tous les extrémistes tutsis, manipulés par le FPR, ont rivalisé pour salir la réputation de ce journaliste et homme d’église.
Avril 1998 : L’Abbé Boniface KAGABO, Curé de la Paroisse RUHENGERI a été tué près de chez Rusingizandekwe dans la ville de Ruhengeri le 28 avril 1998. Il était rentré des camps de réfugiés du Zaïre en décembre 1996. C’était un des rares prêtres tutsis qui n’avait pas peur des militaires et qui était un grand ami Mgr Phocas NIKWIGIZE. La première tentative de l’assassiner comme le père Guy PINARD, c’est-à-dire en pleine communion, avait échoué. En effet, un fidèle qui avait remarqué le tueur, a pu l’avertir et l’évacuer de l’autel. Il fut remplacé par un autre prêtre pour cette messe.
Octobre 1998 : Le 2 octobre 1998 a été assassiné Monsieur Pierre Claver NZABANDORA, Directeur de la coopérative KIAKA (Coopérative regroupant tous les artisans de Kanama-Gisenyi). Un groupe de 80 personnes environ, en tenue militaire semblable à celle de l’Armée Patriotique Rwandaise, a attaqué la coopérative KIAKA. Certains ouvriers de la coopérative, qui ont vite remarqué l’agressivité de ces assaillants, se sont dispersés dans les différents ateliers de la KIAKA.
Un témoin oculaire a affirmé avoir vu un assaillant tirer froidement et à bout portant sur le Président de KIAKA, Pierre Claver NZABANDORA, sans lui adresser la moindre parole. Les autres assaillants ont défoncé tout de suite les portes des bureaux pour s’emparer de tout l’argent disponible. Cette attaque, qui semble avoir été menée méthodiquement par des professionnels, n’a provoqué aucune intervention rapide de l’Armée Patriotique rwandaise, alors qu’elle dispose d’un détachement important basé au bureau communal de KANAMA à quelques 500 mètres des ateliers de la KIAKA!!. ). Les membres de la KIAKA tués lors de cette attaque sont les suivants :

  • Mr Pierre Claver NZABANDORA, Président du Conseil d’Administration (CA) et Directeur de la KIAKA

    • Mr Gaëtan NANGWAHAFI, Vice-Président du CA et chef de la Section « Traditionnel ».

    • Mr FREDERIC, le nouveau chef menuisier qui a remplacé feu Léopold Baryanishavu

    • Mr MBABARE, menuisier expérimenté sur les machines à « tour »;

  • En plus de ces quatre principaux membres de la KIAKA tués, le Centre déplore aussi la mort de trois personnes non encore identifiées qui se trouvaient près des bâtiments de la KIAKA au moment de cette attaque.

Mars 1999 : Fuite du journaliste Jean Pierre MUGABE. Il fut un ancien agent de renseignements du FPR et propriétaire du Journal « Le Tribun du Peuple ». Il a dénoncé la corruption et le détournement des fonds publics par les plus hautes autorités rwandaises dont le Général Paul Kagame, lui-même. Dans sa lettre ouverte adressée au Vice Président de la République et Ministre de la Défense, le Général Paul KAGAME, sa déclaration est sans équivoque : « Dans ce pays, la force et la richesse tiennent lieu de justice, les droits de l’homme n’ont plus de valeur, le droit à la vie se monnaye, le patrimoine national a été livré à un pillage effréné des mercenaires sans vergogne qui en ont fait leur chasse gardée. A la cohabitation encore difficile entre les différentes ethnies, vous avez rajouté l’instauration d’un régionalisme à nouveau visage reposant sur la provenance des uns et des autres. De la manière, l’injustice frappe toutes les ethnies sans distinction. L’AKAZU (maisonnette) a été reconstituée au Rwanda. Le Bushiru de Habyarimana a laissé place à l’AKAZU de certains dignitaires, anciens réfugiés en Uganda, originaires de la région de KIBUNGO et une partie de la région voisine de BYUMBA. Actuellement, des rwandais de différentes conditions et ethnies fuient le pays à cause du pouvoir qui bafoue leurs droits de citoyens. Découragés par ces forfaits qui ne cessent de prendre de l’ampleur, même certains rwandais qui ont soutenu le FPR au cours de sa campagne militaire n’ont plus envie de rentrer au pays. D’autres qui n’ont jamais trahi le pays craignent de rentrer à cause du pourrissement du pouvoir en place ».
Avril 1999 : Monseigneur Augustin MISAGO, Evêque de Gikongoro (au sud-centre du Rwanda), a été arrêté le 14 avril 1999 vers 12 heures à Kigali alors qu’il se rendait à une réunion des Evêques catholiques du Rwanda. Il avait quitté l’évêché de Gikongoro ce jour-même vers 10 heures à bord du même véhicule que son homologue du diocèse voisin de Butare, Monseigneur Philippe RUKAMBA. Le véhicule des deux Evêques catholiques a été intercepté à l’entrée de la capitale rwandaise Kigali, au lieu dit Giticyinyoni, selon la Conférence Episcopale du Rwanda. Il a été conduit à la Brigade de gendarmerie de MUHIMA et placé en détention préventive. Accusé de crimes de génocide, il a été acquitté le 15 juin 2000 par le Tribunal de Première Instance de Kigali.
Mars 2000 : Fuite de deux journalistes du journal IMBONI, Monsieur Déogratias MUSHAYIDI (Président de l’Association des journalistes de la presse privée au Rwanda et Directeur de la Maison de la Presse à Kigali) et Jason MUHAYIMANA.
Janvier 2002 : Le théologien de la non-violence, le professeur Laurien Ntezimana et son collaborateur Didace Muremangingo ont été emprisonnés par les policiers de la Brigade judiciaire de BUTARE au sud du Rwanda(voir notre communiqué n°59/2002 du 28/01/2002). Monsieur Laurien NTEZIMANA est l’un des responsables de l’Association Modeste et Innocent (AMI). Cette association est la plus importante parmi celles qui éduquent la population rwandaise à la non-violence après la tragédie qu’elle a connue depuis le début de la guerre d’octobre 1990. Laurien Ntezimana travaillait pour la réconciliation entre Hutu et Tutsi avant et après le génocide qui a causé la mort d’au moins un demi-million de Tutsi, en 1994. Didace Muremangingo, jeune rescapé du génocide, s’était récemment joint à Ntezimana pour publier un journal local intitulé Ubuntu, édité par l’AMI.
Lors de leur arrestation,Ils sont accusés  d’avoir publié et diffusé des articles sans autorisation dans des prisons et sur la place publique ; que leur Organisation "AMI" n’est plus reconnue et que malgré une autorisation provisoire de six mois en juillet 2001, l’AMI ne serait plus légale en 2002 ; du contenu de la revue "Ubuntu" publié par l’AMI ; d’avoir publié une interview de l’ancien président de la République Pasteur Bizimungu ; que l’Entête de l’Association comporte le mot "Ubunyanja", mot repris par le Parti Démocratique pour le Renouveau (P.D.R) UBUYANJA. Le journal UBUNTU a utilisé le terme « ubuyanja », un terme qui signifie la renaissance de la force ou de l’énergie, dans certains de ses articles. "Si la seule chose qu’ils aient faite est d’avoir publié un mot que les autorités n’aiment pas, ils devraient être immédiatement libérés," a déclaré le 31 janvier 2002 à New York, Madame Alison Desforges, conseillère à la Division Afrique de Human Rights Watch. "Agir autrement est une violation de la liberté d’expression que le gouvernement rwandais a fait vœu de protéger et suggère un mouvement inquiétant en direction de la répression politique."
Rappelons qu’en novembre 1998, Laurien NTEZIMANA et le regretté Abbé Modeste MUNGWARAREBA (décédé le 4 mai 1999) ont reçu tous les deux le "Prix pour la paix" de Pax Christi International.
Avril 2003 : Le 23 avril 2003, le Lieutenant Colonel Augustin Cyiza, président de l’Association ARDES-TABLE RONDE, est porté disparu à Kigali. Rappelons que Augustin Cyiza a été président de la Cour de Cassation et Vice président de la Cour Suprême de 1995 à 1998.
Décembre 2003 : Le 26 décembre 2003, on apprend la mort inopinée et mystérieuse de Monsieur BITANUZIRE Sébastien, qui était Représentant légal du Syndicat des agriculteurs rwandais (IMBARAGA).
Dans la nuit du 29 au 30 décembre 2003, Monsieur RAMBA Léon Pasteur, agent de la COFORWA (Compagnie des Fontainiers Rwandais – une des ONG rwandaise oeuvrant en hydraulique rurale), est assassiné par deux hommes armés en uniforme militaire. Il a été extrait d’un groupe de 30 personnes qui rentraient d’une visite du parc national de l’AKAGERA. Sa femme et ses enfants ont assisté
La fuite en Ouganda du journaliste Ismaël MBONIGABA du Journal indépendant «  UMUSESO » survenue au cours de cette période, traduit la répression qui a suivi les élections présidentielles et législatives d’août et septembre 2003.
Janvier 2004 : Pour les sanctionner d’avoir élu Faustin Twagiramungu, le challenger de KAGAME lors des dernières élections présidentielles, les artisans regroupés dans la coopérative KORA , ont reçu l’ultimatum de déménager leurs ateliers de Gakinjiro
(Centre ville de Kigali) au plus tard le 30 janvier 2004. Ils sont allés s’installer à Kagugu à une dizaine de kilomètres de leur siège, où il n’y avait aucune infrastructure de remplacement. On leur a tout simplement tracé un terrain avec des machines de terrassement.

    Avril 2004.Deux journalistes du journal indépendant UMUSESO : Serufirira Robert et Kalisa MacDowell ont pris le chemin de l’exil après avoir subi plusieurs arrestations et détentions arbitraires dénoncées par Reporters Sans Frontières (RSF).

    Juillet 2004 : Par peur des représailles suite audit rapport du Parlement rwandais qui demande la dissolution des ONG actives de développement rural, six responsables de la LIPRODHOR prennent le chemin de l’exil.

3.2. Elimination des témoins étrangers :
La volonté de harceler et persécuter les témoins étrangers se manifeste par des faits suivants :
Juin 1994 : Après une tentative de les assassiner, les militaires du FPR ont emprisonné arbitrairement une trentaine de secouristes du Comité International de la Croix Rouge (CICR) qui soignaient et s’occupaient des 35.000 déplacés de guerre Tutsi et Hutu recueillis par l’évêché de Kabgayi et conduits le 2 juin 1994 dans la zone occupée par le FPR. Certains de ces déplacés, notamment les intellectuels et paysans valides hutus, ont été triés et massacrés dans les camps de rassemblement créés par le FPR à Ruhango, Kinazi (Gitarama) et Rwabusoro au Bugesera dans la préfecture de Kigali-Ngali.
Octobre 1994 : Le 17/10/1994, le Père canadien Claude SIMARD, qui venait de passer 29 ans au Rwanda a été assassiné dans la soirée dans sa paroisse catholique de RUYENZI en préfecture de Butare (sud). D’après les enquêtes du Capitaine Tim ISBERG d’Edmonton, responsable de l’enquête sur cet assassinat, ce sont des soldats de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) qui l’ont tué à coups de marteau qu’ils ont abandonné sur place. Les assassins étaient venus à bord d’une camionnette Toyota bleue. La responsabilité fut imputée au Capitaine ZIGIRA (actuellement promu Major) et au Lieutenant Colonel IBINGIRA (promu Colonel à la publication du Rapport ONU sur les massacres des réfugiés hutu au Congo-Kinshasa et dans lesquels il a participé) Les deux haut officiers de l’APR sont des criminels de guerre de 1990 à 1994. Le Colonel Fred Ibingira s’est illustré aussi dans les massacres de déplacés de guerre en Avril 1995 à KIBEHO.
Mars 1995 : Trois ONG belges de développement (COOPIBO, Iles de Paix et S0S-Faim) très proches et principaux bailleurs de fonds du  Mouvement coopératif paysan ont été expulsés afin d’appauvrir la paysannerie et anéantir le « Mouvement Coopératif » déjà initié à la démocratie et aux droits humains. Les membres des coopératives et les paysans progressistes, pourchassés par le régime actuel, avaient suivi de nombreux séminaires de formation et de sensibilisation aux droits humains et à la démocratie organisés par le Centre IWACU (ONG d’appui au Mouvement coopérative) entre 1991 et 1994.
Au cours du 1er semestre 1995 : une campagne orchestrée par les autorités de Kigali a visé directement la communauté étrangère.
Décembre 1995 : Juste après l’exil d’une grande partie de la population, les nouveaux chefs de Kigali ont voulu faire des purges à l’intérieur du pays. Ils devaient limiter au maximum la curiosité des témoins étrangers qui pourraient dénoncer les exactions du nouveau régime. En dissolvant les ONG présentes sur terrain, ils voulaient ainsi limiter au strict minimum le nombre des étrangers qui visitent les campagnes rwandaises pour isoler les paysans rwandais (à majorité hutue). Aussi, en préparation des tueries dans les camps de réfugiés dans la région du Kivu, les étrangers en si grand nombre pourraient facilement alerter la communauté internationale de la catastrophe humanitaire en perspective.
Le Gouvernement rwandais par la voix du Ministère de la Réhabilitation et de l’Intégration Sociale a décidé,le 6 décembre 1995, d’interdire sur son territoire les activités de 38 organisations non gouvernementales (ONG) internationales qui opéraient au Rwanda. Celles-ci se sont vues reprocher pour certaines le manque de performance, le manque de programme clair pour d’autres, et enfin la négligence des directives gouvernementales. Les 38 ONG humanitaires et de développement expulsées et dont les activités étaient interdites au Rwanda sont les suivantes :

  1. AICF (Action Internationale contre la Faim) France ;

    • Africa Center for Treatment and Rehabilitation -Torture victimes

    • AIDAB Australia;

    • American for Africa Adoption (A.A.A.);

    • Association Française de Sauvegarde de l’Enfance et Adolescence;

    • Association pour l’Action Humanitaire (AAH) ;

    • Austrian Relief Program (ARP) ;

    • Les enfants avant tout-Action ;

    • Première Urgence ;

    • Safe Harbour International Relief ;

    • Terre des Hommes ;

    • APORWA ;

    • Médecins Sans Frontières France (MSF-France) ;

    • ORA International ;

    • SASO : Sustainble Agriculture Support for Orphans ;

    • Abundant Life International ;

    • Association Française des Volontaires du Progrès ;

    • Joint Relief Rehabilitation Service ;

    • ARDICI ;

    • Bureau Conseil Appui aux ONG de l’Afrique Centrale (BCA) ;

    • Hôpital sans Frontières (HSP) ;

    • APACOR

    • ATOL

    • Care Australia ;

    • CIDSE : Coopération Internationale pour le Développement et la Solidarité ;

    • ECOTERRA International ;

    • Equilibre ;

    • Fraternité notre Dame ;

    • Médecins du Monde (MDM)

    • Médecins Sans Frontières SUISSE ;

    • Partage avec les enfants du monde ;

    • Triangle Génération Humanitaire ;

    • East Africa Development Services/Rwanda ;

    • RAFAD ;

    • SOS RACISME.

    • CUAMM ;

    • Inter SOS ;

    • Terre Sans Frontières

Les activités de certaines ONG ont été momentanément suspendues :

      1. Aide et Action ;

        • Associazione Solidarieta’per lo Sviluppo ;

        • Christian Reformed World Relief Committee (CRWRC) ;

        • CESAL

        • DELIPRO;

        • Food for the Hungry;

        • Initiative Humanitaire Africaine (IHA);

        • Johanniter-Unfallhilfe e.v.

        • Revival and Restoration Ministries-Rwanda;

        • Christian Unity Fellowship;

        • Bornefonden Rwanda;

        • Croix Rouge de Belgique;

        • Sentinelles;

        • ADRA : Adventist Development Relief Agency;

        • Espoir Sans Frontières;

        • British Direct Aid;

        • Friends in the west

Après cette épuration, seules 102 ONG ont continué leurs activités à cette époque
Janvier 1996 : Trois enquêteurs du TPIR avaient été agressés par des militaires rwandais. Les responsables militaires et politiques ont dû s’excuser auprès de l’ONU.
Mars 1996 : La Mission des Nations Unies au Rwanda (MINUAR II) a été contrainte de cesser ses activités au Rwanda. Sa station de Radio a été fermée aussi. Un journaliste de cette Radio de l’ONU, Monsieur Manassé MUGABO, fut porté disparu jusqu’à ce jour.
Avril 1996 : Plusieurs membres du CICR (Comité International de la Croix-Rouge) avaient été attaqués dans leur résidence à Kimihurura (Mairie de la Ville de Kigali) par des militaires à la recherche de Belges et de Français, parce qu’ils visitaient les prisons et limitaient la disparition des détenus. Après avoir vérifié leur nationalité, ils les avaient ligotés et brutalisés pendant deux heures avant de s’emparer De l’argent et des objets de valeur. Ils reprochaient au CICR sa surveillance des prisons-mouroirs et son appui dans la recherche des personnes disparues.
Dans toute sa stratégie, la junte militaire de Kagame recourt au mensonge et à l’intoxication. Le cas d’une attaque médiatique contre le CICIR est une illustration criante de cette stratégie. Prenons un exemple de « diffamation » et de « chantage »que le Directeur de la prison de Rilima (au Bugesera), Mr BIRAJE Sylvestre, a tenté d’exercer au personnel expatrié du Comité International de la Croix Rouge (CICR) dans sa lettre au Ministre de la Justice du 12/12/96. Ce n’était ni la première, ni la dernière fois que le CICR subissait des attaques injustifiées de la part du “pouvoir occulte” des extrémistes tutsis. Ceux-ci reprochent toujours au CICR et aux autres organisations humanitaires leurs activités visant à améliorer les conditions de détenus et d’autres populations sinistrées, considérés comme des ennemis à leur régime actuel. Pour le moment prenons un seul cas concret où les agents du CICR ont été la cible de la presse extrémiste tutsi “les nouveaux médias de la haine”. Selon un article du Journal UKURI n° 15 de décembre 1996, page 4:
« Le fils de Bizimungu Casimir (ancien Ministre de la Santé), Jean Yves BIZIMUNGU, a fait avorter le projet d’évasion des détenus de la prison de Rilima”. Il était prévu de dynamiter même la prison !
D’après les aveux du détenu Bizimungu Jean Yves lui-même et l’enquête menée par la Direction de la Prison, il apparaît que 12 détenus étaient concernés par ce projet d’évasion:
Il s’agit de: Runyinya BARABWILIZA, Major Paul Mbonigaba, l’ancien journaliste de Radio-Rwanda Dominique MAKELI, Capitaine Hakizimana J.Pierre, NGAMIJE Léonidas, Ngirinshuti Védaste, S/Lt Nduwimana Faustin, S/Lt Ngabonziza Etienne, Gakenyeye Faustin Muhawenimana Dominique, S/Lt Mukurarinda Etienne et BIZIMUNGU Jean Yves. Ce dernier aurait même avoué la grande responsabilité de ses parents dans ce projet d’évasion. La Direction de la Prison de Rilima met en cause Mme Katie de Piccoli, agent du CICR détaché à Rilima. Jean Yves met en cause aussi d’autres agents, comme Garatie et Charlotte.
Des sommes de 11.000 dollars USA et 80.000 Frw, apportées par Katie de Piccoli, devaient être utilisées dans ce projet. Néanmoins, Jean Yves aurait montré une somme de 4.000 dollars USA apporté par Katie de Piccoli entre le 6 et 13 novembre 1996.
Dans sa lettre au Ministre de la Justice, le Directeur de Prison affirme que KATIE de Piccoli avaient promis à ceux qui devaient s’évader de leur fournir des “Mine lands” pour dynamiter la prison, au cas où la corruption des surveillants de la prison ne marcherait pas.
Le Gouvernement Rwandais s’est plaint auprès du CICR, mais l’on ignore si l’agent Katie a été sanctionné. Entre-temps la Direction de la Prison de Rilima a exigé qu’elle soit mutée! »
Démenti du CICR tel que relaté par le journal UKURI n° 16 de Février 1997, page 6:
« Le CICR a démenti catégoriquement qu’aucun de ses agents n’a jamais été impliqué dans un projet de faire évader ni le fils de l’ancien Ministre Bizimungu Casimir, ni quelqu’un d’autre. Il paraît que Jean Yves Bizimungu aurait écrit aux Directeurs de la prison de Rilima une lettre accompagnant les 4.000 dollars, en prétendant que cet argent lui a été apporté par l’agent du CICR pour corrompre les surveillants qui devaient faciliter leur évasion.
D’après une enquête du CICR, ses porte-parole ont affirmé au journal UKURI que Madame Katie de Piccoli n’a jamais été impliquée dans un quelconque projet d’évasion. Ils ne comprennent pas pourquoi Jean Yves a menti, bien que ce ne serait pas la première fois. Ces représentants du CICR ont saisi cette occasion pour demander à la population rwandaise d’avoir confiance en lui et de comprendre que ses objectifs visent d’abord à aider le Rwanda à entretenir ses prisonniers. Qu’ils sachent que le CICR ne s’occupe que des prisons seulement, mais qu’il s’occupe aussi de plusieurs projets sociaux et humanitaires ».
Cet exemple montre très bien comment les “intrigues, les machinations et la délation” peuvent frapper n’importe quel citoyen rwandais ou personnel expatrié. Le coup de Rilima semblait avoir pour but de chasser “un témoin gênant” détaché auprès de cette prison ! Comme dans tous les cas, les personnes ou ONG victimes se débattent dans d’interminables démentis pendant que la junte militaire prépare de nouvelles accusations.
Juin 1996 : Le 24 Juin 1996, le Père belge SIMOENS, responsable de l’Orphelinat Don Bosco de Cyotamakara en commune NTYAZO (Butare) a failli être assassiné peu après la messe du soir. Son ancien protégé de l’orphelinat de Nyanza et actuellement soldat de l’APR nommé NGABOYISONGA Kizito est venu le tuer sans pouvoir l’atteindre. Néanmoins, ce militaire n’a pas hésité à tuer ses deux anciens collègues à l’orphelinat de Nyanza: Jean-Baptiste (qui a tenté d’aller alerter le Père Simoens) et Tito qu’il a trouvé dans la chapelle. Ce criminel a tenté de se suicider en se tirant, à son tour, deux balles, l’une à la poitrine, l’autre à l’épaule.
Octobre 1996 : Dans la soirée du 31 octobre 1996, quatre (4) Frères Maristes espagnols ont été assassiné dans le camps de NYAMIRANGWE (au Sud Kivu) où ils s’occupaient des réfugiés rwandais et burundais. Voici leur dernier message qui est très significative : « Tout le monde a quitté le camp de Nyamirangwe, Nous sommes seuls. Nous nous attendons à une attaque d’un moment à l’autre. Si ce soir, nous ne téléphonons pas, ce sera mauvais signe. Le secteur est très agité. Les réfugiés fuient sans savoir où aller, et c’est le signe de la présence d’éléments violents qui se sont infiltrés ». Parmi les quatre victimes espagnoles tuées au Sud-Kivu parce qu’ils avaient été témoins des massacres de Réfugiés hutu et déplacés zaïrois, le Centre a relevé le nom de JULIO.
Janvier 1997 :
Dans la soirée du Samedi 11/01/1997, une attaque attribuée aux “ex-FAR” venus de la forêt naturelle de Gishwati, toute proche, a fait trois victimes parmi les patients et deux médecins expatriés de Médecins Sans Frontières (MSF) ont été molestés à l’Hôpital de Kabaya dans la préfecture Gisenyi (au nord-ouest du pays).
Lundi 13 janvier 1997, dans la Commune voisine de GICIYE, toujours en préfecture Gisenyi, un groupe de 10 hommes armés prenait violemment à partie quatre observateurs onusiens des droits de l’homme “en mission de routine” dans cette région et les menaçaient de mort, après les avoir battus, s’ils revenaient dans la région. Or cette commune de Giciye venait d’enregistrer plusieurs centaines de victimes civiles, suite aux nombreuses opérations de ratissage de l’armée du FPR depuis le 5 août 1996. Le Bourgmestre fut suspendu par le Colonel NGOGA, commandant du Secteur militaire de Ruhengeri et Gisenyi. Ce Colonel est responsable de la mort de plus de 18.000 personnes tuées au cours d’une répression aveugle de l’Armée du FPR contre de paisibles paysans de Juin à Décembre 1994, dans la seule préfecture de Gitarama
Dans la soirée du 18 janvier 1997, trois médecins espagnols (le médecin Manuel Madrazo Osuna, âgé de 42 ans, l’infirmière Maria Flores Sirena, 33 ans et le logisticien Luis Vatuena Gallego, 30 ans) travaillant pour l’ONG « MEDECINS DU MONDE » furent assassinés. L’objectif des tueurs était de contraindre tous les témoins gênants étrangers de quitter les campagnes et les villages rwandais au plus vite. Dans cet incident, un américain grièvement blessé a été amputé d’une jambe et soigné à Nairobi. Il avait été épargné par les malfaiteurs car il avait eu la présence d’esprit de crier qu’il était citoyen américain !! En effet, pour mieux déclencher la « fameuse guerre civile des infiltrés HUTU » dans le nord-ouest du Rwanda, il fallait pousser tous les occidentaux à se replier et à se concentrer dans la capitale rwandaise, KIGALI. La junte militaire réussit ainsi à chasser des provinces les ONG occidentaux par l’assassinat des trois espagnols.
Février 1997 :
Le 2/02/1997, le Père canadien Guy PINARD est assassiné en pleine messe. Ce curé de la Paroisse KAMPANGA en commune KINIGI à Ruhengeri, né le 20/04/1935, a été ordonné à Carthage et a passé toute sa vie missionnaire au Rwanda. Il a été tué par un enseignant au centre scolaire de KAMPANGA. Cet enseignant nommé DIEUDONNE, qui a tiré sur lui au moment où il distribuait la communion, serait un ancien recrue de l’APR. Jusqu’au 5 février ce criminel, qui n’est pas aussi déséquilibré “qu’on le prétend” n’avait pas encore été arrêté par la gendarmerie. Le fait qu’il ne portait plus l’uniforme de l’APR, mais qu’il avait gardé son arme, pousse beaucoup d’observateurs à croire à un attentat commandité puisque les gendarmes de la Brigade judiciaire de Ruhengeri ne semblaient pas pressés de l’arrêter.
Le 4 février 1997, cinq observateurs des droits humains de la Mission du Haut Commissariat de l’ONU aux Droits de l’Homme (HRFOR) ont été assassinés en commune Karengera (Cyangugu). Les noms de ces observateurs sont les suivants :
– Sastra CHIM-CHAN, de nationalité cambodgienne;
– Graham TURNBULL, de nationalité britannique ;
– Jean Bosco MUNYANEZA et Aimable NSENGIYUMVA, qui étaient interprètes ;
– Agrippin NGABO, assistant rwandais dans le cadre d’un projet de recensement de la population carcérale.
Certains témoins affirment que les tueurs se seraient cachés dans les plantations de thé. La tête d’une des victimes a été coupée et a été retrouvée dans ces plantations.
Signalons que le jour de l’incident, une délégation gouvernementale venait d’emprunter la même route en allant à BUSOZO, à plus ou moins 20 Km du lieu du crime et que la base militaire de NTENDEZI se trouve à plus ou moins 2 Km du même lieu.
Avril 1997 : Dans la nuit du 27 au 28 avril 1997 à 1h du matin, la Directrice Belge de l’Ecole Secondaire de MURAMBA, Griet BOSMANS, a été tuée avec 17 élèves et quatre personnes (qui logeaient à l’Ecole de Tetero) par des malfaiteurs « non identifiés ». Comme pour tous les massacres de civils non armés, les autorités rwandaises se sont empressées d’attribuer ce crime aux « rebelles hutu ». La population locale a soupçonné les éléments de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) suite à leur refus d’intervenir alors qu’il y avait deux positions militaires tenues par l’APR à quelque 300 mètres.
Janvier 1998 : Le 31/01/1998 vers 20h30, le Père VIJEKO a été tué de huit balles en plein centre de la ville de Kigali par un homme armé qui, bien que blessé, a réussi à s’enfuir à pied. Le père VIJEKO était économe général de la Diocèse Kabgayi et curé de la paroisse de Kavumu. En collaboration avec CARITAS, il participait notamment à des programmes d’aides aux veuves du génocide rwandais. Il avait construit de nombreuses maisons d’habitation pour les veuves. L’enquête sur son assassinat n’a jamais été rendue publique jusqu’aujourd’hui si elle a eu lieu.
Juin 2000 : Dans la nuit du 10 au 11 juin 2000, le prêtre catholique espagnol, Père Isidro UZCUDUN, a été assassiné dans sa paroisse de MUGINA (sud de la province Gitarama) par trois personnes armées dont l’une portait un uniforme militaire. Le père Isidro UZCUDUN était arrivé au Rwanda en 1963 et avait passé 15 de ses 37 années passées au Rwanda à servir la paroisse de MUGINA (Voir la dépêche d’IRIN-CEA du 13 juin 2000).
Remarque : Le rappel de ces faits vise à montrer que la junte militaire s’est servie respectivement de l’ancienne Ministère de la Réhabilitation et de l’Intégration sociale, des services de renseignements militaire (DMI), de certains parlementaires, et des syndicats de délateurs pour déstabiliser la société civile et expulser les occidentaux témoins gênants des massacres et autres violations des droits humains au Rwanda. En les harcelant et en les assassinant au niveau des villages, le « pouvoir occulte » de la junte militaire a réussi à les chasser et surtout à les concentrer à Kigali d’où ils ne pouvaient plus voir et savoir ce qui se passe dans les campagnes et les villages rwandaises. Notons que la même campagne d’intimidation est actuellement orchestrée en l’encontre des ONG étrangères pour qu’ils n’arrivent pas dans la zone de l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Cette campane vise à dissuader les observateurs avisés qui pourraient dénoncer les violations des droits de l’homme de la part des groupuscules rebelles et terroristes opérant en RDC, armées et soutenues par le Gouvernement de Kigali.
4. Analyse de la stratégie des autorités de Kigali visant à réduire au silence la Société civile rwandaise et les témoins gênants étrangers:
Pour fragiliser la Société Civile, la junte militaire a commencé par décapiter la puissante Eglise catholique du Rwanda et par la récupération des grandes ONG des droits humains comme l’Association Rwandaise pour la Défense des droits de l’Homme (ARDHO). Depuis 2003, il ne reste que deux ONG des droits humains encore actives : la LIPRODHOR (Ligue Rwandaise pour la Promotion des Droits de l’Homme) et la LDGL (Ligue des Droits de la Personne dans les Grands Lacs). Avec la décision arbitraire de dissoudre la LIPRODHOR et de pousser ses dirigeants à s’exiler, l’objectif visé est d’éliminer toute association capable de dénoncer les multiples violations graves des droits humains qui se commettent encore au Rwanda. Pour une récupération moins sanglante, les experts de la junte militaire procèdent en quatre phases :

      • Phase 1. Neutraliser les dirigeants sérieux, consciencieux et honnêtes de l’organisation ciblée. En cas d’échec, procéder à leur élimination physique ou  les contraindre à l’exil ;

        • Phase 2. Infiltrer les agents du FPR qui deviennent membres de l’organisation ciblée ;

        • Phase 3. Grâce aux agents infiltrés, noyauter les organes des associations ciblées, éliminer les anciens dirigeants et désorganiser les structures opérationnelles ;

        • Phase 4. Récupérer complètement l’organisation grâce aux infiltrés qui prennent la direction et ramènent leur proie dans les filets du FPR.

      Avec la détérioration des conditions de vie de la population rwandaise, les problèmes de la société rwandaise se manifestent au grand jour : les droits et les libertés élémentaires bafoués (comme la liberté d’expression et d’association), l’absence d’une justice équitable, les personnes qui croupissent dans les prisons sans dossiers, la soif de la vérité sur le génocide et les massacres des rwandais (au Rwanda et dans les forêts congolaises), le taux de chômage sans cesse croissant, la corruption et le népotisme, la suprématie d’une seule ethnie dans les hauts postes de responsabilité, l’épidémie du SIDA, les problèmes fonciers, la pertinence de la guerre au Congo, etc. Des voix s’élèvent de toutes les couches de la population pour réclamer la participation active de toutes les composantes de la population dans la gestion de la chose publique. Le FPR se trouve dans l’incapacité de garder en otage le peuple et les institutions républicaines. Les dernières fraudes lors des élections présidentielles et législatives ont montré aux observateurs avisés la précarité des institutions démocratiques au Rwanda. Conscient des incohérences dans sa politique de double langage, le FPR a adopté une nouvelle stratégie pour asseoir son pouvoir.

      La nouvelle campagne d’intimidation des ONG rwandaises et internationales orchestrée par les autorités de Kigali est orientée sur différents axes :

      1. Eliminer toute structure qui facilite des analyses des problèmes de la société rwandaise, qui ne concordent pas avec la ligne du FPR. Toute personne qui pense autrement que le FPR est déclarée hors-la-loi, adepte de l’idéologie génocidaire et partisan des « Forces négatives ». Les institutions d’enseignement secondaire et supérieur, qui rassemblent les intellectuels sont la cible privilégiée ;

        • Contrôler étroitement les activités des ONG et des bailleurs de fonds ainsi que celles des organisations qui ont une assise visible parmi la population rurale. Ici les confessions religieuses (surtout les Eglises chrétiennes) sont particulièrement visées.

        • Dissoudre les ONG locales qui ne sont pas dirigées par les membres du FPR et qui ont une bonne renommée parmi la population.

        • Bannir toute association susceptible de chercher la vérité sur les massacres des rwandais dans les zones occupées par le FPR avant et pendant le génocide de 1994, les massacres de réfugiés rwandais et des citoyens congolais en République Démocratique du Congo depuis 1996, ainsi que sur les tueries et disparitions perpétrées par l’Armée patriotique rwandaise dans les différentes régions du Rwanda. Les dirigeants de ces associations sont accusés de « divisionnisme et révisionnisme » ou taxés de propager l’idéologie génocidaire.

        • Embrigader les jeunes et faire la propagande d’un militarisme aveugle qui privilégie la voie des armes à la place du dialogue pour la résolution des conflits. Cela détourne les jeunes de l’analyse des véritables problèmes internes de la société rwandaise. 

        • Eliminer tout intellectuel qui a un esprit critique, qui n’est pas membre du FPR et qui peut avoir des contacts faciles à l’étranger ou dans le milieu des expatriés de Kigali.

        • Faire une campagne visant à culpabiliser certains pays quant à leur responsabilité présumée dans la tragédie Rwandaise (p. ex. la France). Dans ce cas, le pouvoir de KIGALI entretient un climat de suspicion entre le peuple rwandais et les autres peuples avec qui il avait des liens historiques privilégiés.

        • Mener une campagne de culpabilisation de la communauté internationale pour n’avoir pas secouru le peuple rwandais dans la tragédie qu’il a lui-même provoqué. De ce fait, le FPR fait semblant d’oublier ses différentes déclarations et le comportement de son armée qui décourageait toute intervention étrangère susceptible de secourir le peuple rwandais dans cette période sombre.

      Pour arriver à ses fins, le pouvoir de Kigali utilise tous les organes de l’Etat : appareil judiciaire, législatif ou exécutif. La junte militaire a instauré des structures parallèles, qui contrôlent et paralysent toutes les institutions officielles de l’Etat Rwandais. Son ingéniosité est orientée contre les intérêts du peuple rwandais.

      Conclusion :

      Les dernières recommandations du Parlement rwandais visant la dissolution de certaines ONG actives de la société civile rwandaise montre bien les véritables visées du pouvoir de Kigali. Le fait d’attaquer les principaux ONG nationales et internationales, qui y ont des assises solides dans le milieu rural, laisse présager que le pouvoir de Kigali prépare des opérations qui ne seront pas salutaires pour ceux qui résident dans les campagnes rwandaises.

      La déstabilisation des églises chrétiennes du Rwanda, la destruction des ONG de développement, l’anéantissement des ONG des droits humains et des grandes coopératives, la déstabilisation des artisans rwandais et le musellement des partis politiques démontre la volonté du régime de Kigali de fermer tous les espaces de dialogue et d’ouverture politique avec les différentes couches du peuple rwandais. La junte militaire étouffe ainsi dans l’œuf toute contestation sociale, économique et politique. Consciente de l’absence des témoins « gênants » qui pourraient dénoncer devant la communauté internationale les violations des droits de l’homme, la junte militaire veut replier sur Kigali, contrôler et paralyser toutes les personnes ayant un esprit critique et imprégnées d’une culture démocratique et des droits humains.

      Pour le Centre

      MATATA Joseph, Coordinateur.

      ANNEXE 1 :

      AVANT L’ARRIVEE AU POUVOIR DU FPR, LA SOCIETE CIVILE RWANDAISE AVAIT TENTE DE JOUER SON ROLE DE GARDE-FOUS FACE A L’IRRESPONSABILITE DES HOMMES POLITIQUES EN 1993

      Pour souligner la prise de conscience de cette société civile rwandaise, il est important de rappeler que la recherche d’une coordination au-delà des spécificités traditionnelles (ONG de développement, association des droits humains, association des artisans, etc.), apparue au début de 1992, va se renforcer et se formaliser en 1993. En effet, du 12 au 16 juillet 1993, le Centre IWACU et l’Association ARDES-TABLE RONDE (présidée à l’époque par le regretté Augustin Cyiza), ont organisé un séminaire atelier qui regroupait des représentants d’environ 50 organisations travaillant dans divers domaines (ONG de développement, associations des droits humains, Eglises, syndicats, femmes, presse, …) pour discuter du « Rôle de la Société Civile et son organisation dans le développement socio-économique et dans la démocratisation au Rwanda ». Ce séminaire avait pour but d’échanger les expériences des uns et des autres, et de réfléchir sur l’opportunité et les modalités de constituer une société civile au Rwanda, susceptible de jouer, en toute indépendance, un rôle positif et cohérent dans le développement national et de la démocratie. Les participants ont débattu du concept même de la Société civile et de sa réalité au Rwanda, des acquis et handicaps des organisations associatives rwandaises par secteur d’activités et des priorités et stratégies de renforcement dans l’avenir. Ils ont conclu que pour qu’il y ait une Société Civile, une des conditions est qu’elle soit un ensemble organisé et bien représentatif, et « jouer un rôle de traduction de la conscience collective, de formation, de proposition de solutions alternatives aux problèmes que vivent les populations, mais aussi de dénonciation, de revendication et de pression sur les autorités politiques ou toute autre organisation et individu pour un mieux-être de ces populations ». Pour remplir cette condition, les participants à ce séminaire ont décidé de mettre en place une coordination nationale dénommée « Plate-forme nationale de la Société Civile » ayant pour mission :

      1. organiser des concertations régulières des organismes membres de la Société Civile en vue de coordonner les actions respectives et communes pour le développement harmonieux et intégral de la population ;

        • participer à asseoir et renforcer la démocratie, la justice et la paix sociale en menant ou en favorisant des actions de prévention, de résolution et médiation des conflits sociaux.

      Les participants à ce séminaire ont institué une commission chargée d’assurer le suivi du séminaire et de préparer la mise sur pied formelle de la Plate-forme nationale de la Société Civile. Les quatorze membres de la Commission de suivi se répartissent comme suit :

      • quatre représentants d’ONG de développement ;

        • quatre représentants d’associations professionnelles ;

        • trois représentants des confessions religieuses (catholique, protestante et musulmane) ;

        • un représentant d’associations des femmes ;

        • un représentant d’associations de défense des droits humains ;

        • un représentant d’associations des médias.

      Travaillant dans un climat socio-politique qui se dégrade sans cesse, les membres de cette commission n’ont pas attendu que ce travail soit achevé et ont convoqué une assemblée plénière le 7 février 1994. Dans son analyse, l’assemblée a constaté une sorte d’impasse politique qui engendrait l’absence de l’Etat et qui accentuait l’insécurité des personnes et des biens. Ils ont prédit que « si cette situation perdurait, le pays allait être plongé dans le chaos et l’anarchie, et provoquer même la désintégration de la nation rwandaise ». Cette prophétie de la Société Civile se réalisa avec l’assassinat des deux présidents hutu, Juvénal Habyarimana du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi et la reprise générale de la guerre.

      Pendant le génocide rwandais de 1994, les deux belligérants, qui se battaient pour le pouvoir et l’avoir, ont massacré plusieurs membres de cette société civile.

      ANNEXE 2:

      DES CHRETIENS, MEMBRES DE LA SOCIETE CIVILE, SE MOBILISENT A ASHBURNHAM ( ANGLETERRE) POUR ASSUMER LEURS RESPONSABILITES

      Dans une conférence organisée sur « Le rôle de l’Eglise dans le rapatriement et la réintégration des réfugiés rwandais » par une organisation anglaise NEWICK PARK INITIATIVE (NPI) du 3 au 6 décembre 1996, les participants ont fait une déclaration suivante qui a fort irrité le régime de Kigali qui s’était abstenu d’envoyer un représentant à cette conférence. Voici le texte de la « Déclaration des participants à la conférence » :

      « Nous chrétiens de différentes Eglises, venus du Rwanda et d’ailleurs, réunis à Ashburnham en Grande Bretagne du 3 au 6 décembre 1996 pour une conférence organisée par la NEWICK Park Initiative (NPI) sur le rôle de l’Eglise dans le rapatriement et la réintégration des réfugiés rwandais après discussions, échanges et prière, déclarons ce qui suit :

      1. L’église n’est vive que quand deux ou trois s’engagent ensemble sur la voie de la non-violence radicale ouverte par la Croix de Jésus-Christ dans l’histoire des hommes. Elle doit être sel de la terre, c’est-à-dire empêcher la société de pourrir et lumière du monde, c’est-à-dire jouer un rôle social, économique et politique qui oblige l’observateur à louer Notre Père qui est dans les Cieux.

      2. Dans cette perspective :

      • Les chrétiens au Rwanda doivent travailler ensemble à réduire les passions et à augmenter la confiance mutuelle entre les différentes composantes de la société rwandaise.

        • Les Eglises au Rwanda doivent s’engager ensemble à veiller à ce que chaque Rwandais trouve un espace convenable d’enracinement dans la société : respect, propriété, travail…

      3. Pour atteindre ces objectifs, les chrétiens et les Eglises au Rwanda ont le devoir :

      • d’approfondir leur compréhension du message de l’Evangile à la lumière de la guerre, du génocide et des massacres, ainsi que des tragiques événements récents dans l’Est du Zaïre ;

        • de contribuer à la justesse de la justice et de promouvoir le respect des droits de la personne ;

        • d’user de leur expérience dans le domaine de l’éducation pour former des animateurs capables d’entraîner le peuple à se prendre en charge en toute dignité, et à résister efficacement à toute forme de manipulation.

      4. C’est en luttant efficacement contre la peur des Rwandais entre eux que les Eglises au Rwanda contribueront à recréer un tissu social harmonieux. Il leur faudra commencer en leur sein et en toute collaboration pour fournir à la société globale des modèles pertinents.

      Les signataires : Rose Barmasai, Patrick Brooks, Michèle Devys, Nigel Eltrignham, Révérend Jean-Pierre Kamanzi, Caris Kimber, Sœur Thérèse-Marie Lebrun, Abbé Jérôme Masinzo, Joseph Matata, Mgr Augustin Mvunabandi, Professeur Laurien Ntezimana, Brigadier Général Léonidas Rusatira, Mgr Onesphore Rwaje, Dr Michael Schluter, Révérend Michel Shyirahayo, Beryl Sisley, Béatrice Umubyeyi, Peter Webster.