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QUINZAINE DE LUTTE CONTRE LA CULTURE DU MENSONGE, DE L’INJUSTICE ET DE L’IMPUNITÉ AU RWANDA (#3 La Destruction de la Société civile)

Le FPR ne pouvait supporter l’indépendance et la souveraineté du peuple rwandais dont la Société civile était gardienne pour des raisons que nous expliquons ci-après

QUINZAINE DE LUTTE CONTRE LA CULTURE DU MENSONGE, DE L’INJUSTICE ET DE L’IMPUNITE AU RWANDA

"Le mensonge donne des fleurs, jamais des fruits"

Le 04 décembre 2014

#3 La Destruction de la Société Civile

La mise hors d’usage de la Société civile trouve son origine dans la décapitation de l’Eglise Catholique du Rwanda qui est la doyenne de cette société. Elle s’est beaucoup investie dans l’éducation ainsi que la santé et en particulier dans les activités spirituelles et matérielles qui procurent le bien-être au peuple rwandais.

Comptant sur les trois principaux piliers (mensonge, terreur et corruption) de leur dictature, les chefs militaires Tutsi du Front Patriotique Rwandais (FPR) ne pouvaient supporter l’indépendance et la souveraineté du peuple rwandais dont la Société civile rwandaise était gardienne pour des raisons que nous expliquons ci-après :

Le 21 novembre 2014, deux membres de la Ligue Rwandaise pour la Protection et la Promotion des Droits de l’Homme (LIPRODHOR) ont été arrêtés arbitrairement sous prétexte qu’ils avaient convoqué une réunion extraordinaire de l’Assemblée Générale de cette Ligue. M. Evariste NSABAYEZU, Vice-Président du Conseil d’administration « légitime » de la LIPRODHOR était détenu au cachot de la police de Kicukiro (Kigali) tandis que M. Daniel UWIMANA, chef d’antenne de Kayonza a été amené à la station de police du district de Rubavu (ancienne préfecture de Gisenyi).

Cette réunion devait se tenir à Kigali le 23 novembre 2014 avec plus ou moins 200 adhérents légitimement enregistrés. Si cette Assemblée Générale avait eu lieu, la Ligue allait se donner les moyens pour reprendre son droit et son devoir de jouer son rôle de protection et de promotion des droits humains en faveur du peuple rwandais. Et c’est justement ce pouvoir du peuple que le régime dictatorial du Président Paul Kagame s’évertue à s’approprier indéfiniment en opprimant violement le peuple rwandais.

Rappelons que le 21 juillet 2013, les réseaux de la dictature rwandaise avaient mis en place un nouveau conseil d’administration « illégitime » qui a été reconnu trois jours plus tard par une institution publique inféodée qui supervise les organisations non gouvernementales nationales, le Rwanda Governance Board (RGB).  Le 8 août 2014, le juge du Tribunal de Grande Instance de Nyarugenge a rejeté l’action en justice intentée contre ces membres « illégitimes » en la déclarant infondée. Les avocats des membres « légitimes » de la LIPRODHOR ont fait appel de la décision du 08 août 2014. Mais l’audience prévue le 06 novembre 2014 a été remise au 27 novembre suite à l’absence des intimés. Aucun verdict en appel n’a à ce jour été rendu. Au lieu de rendre justice, le régime Kagame préfère emprisonner les plaignants.

ANTECEDENTS :

En juin 2004, la Société civile avait déjà été attaquée et détruite. Plusieurs ONG de développement et la LIPRODHOR avaient déjà été accusées de nourrir « l’idéologie génocidaire, le divisionnisme et le sectarisme ».

Voici un extrait de notre Mémorandum sur cette attaque généralisée contre la Société Civile Rwandaise. (Le texte intégral du Mémorandum se trouve en bas de l’article)

Mercredi, le 30 juin 2004, après trois jours de débat, le Parlement rwandais a demandé au gouvernement de dissoudre cinq organisations de la Société Civile en raison de leur prétendu soutien à des idées génocidaires. Il a aussi  demandé qu’une action soit intentée contre certaines organisations non gouvernementales internationales actives au Rwanda. Ces organisations internationales sont accusées de soutenir les groupes locaux accusés de nourrir une idéologie génocidaire. Ce Parlement a aussi nommé les Pays-Bas et la France comme pays accordant un soutien à des organisations rwandaises qui ont une idéologie génocidaire. Dans le rapport parlementaire, des allégations ont aussi été porté contre plusieurs établissements d’enseignement secondaire et supérieur ainsi que les confessions religieuses.

Aperçu sur les organisations dernièrement visées  par le Parlement rwandais

Les Organisations non gouvernementales (ONG) rwandaises visées sont :
§  LIPRODHOR – Ligue Rwandaise pour la Promotion et la Défense des droits de l’Homme 
§  FORForum des Organisations rurales- basé dans la province de Ruhengeri 
§ SDA-IRIBA – Services au Développement des Associations, basé dans la province de Gikongoro 
§  IMBARAGA – Syndicat des fermiers rwandais
§  BAIR – Bureau d’Appui aux Organisations Rurales, basé dans la Province de Gisenyi 
§ Témoins de la Résurrection (Abahamya b’Izuka) du district de Muramba, Province de Gisenyi 
§ Souvenirs des Parents du district de Gasiza / Province de Gisenyi 
§  CRECAM – Fonds d’aide mutuelle aux agriculteurs 
Les institutions religieuses « accusées » d’encourager l’idéologie du génocide comprennent :

  • Église Catholique 
  • Certains groupes de l’Église épiscopale 
  • Église méthodiste libre 
  • Église baptiste 
  • Association des Églises pentecôtistes 
  • Les Témoins de Jéhovah. 

Les établissements d’enseignement secondaire et supérieur cités sont :

  • Université Nationale du Rwanda 
  • Ecole secondaire de  Kansi (province de Butare) 
  • Ecole secondaire de Rebero (province de Byumba) 
  • Ecole secondaire de Gatovu (province de Ruhengeri)
  • Ecole secondaire de Busogo (province  de Ruhengeri) 
  • Ecole secondaire APEJERWA  (province de Gisenyi)

 
Les ONG internationales visées sont :
§  11.11.11 ;
§  Norvegian People’s Aid ;
§  Trocaire ;
§  Care International ;
§  Pax Christi ; et
§  Fondation Adolph Kolping

Pour s’assurer l’impunité, la junte militaire du Général Paul KAGAME tient à faire taire toute voix qui peut exercer un quelconque contre-pouvoir. C’est pour cela que la Société civile a été perçue comme « dangereuse » dans la mesure où elle avait commencé à se structurer déjà à l’époque du président Juvénal Habyarimana en Juillet 1993.

L’objectif de la junte militaire est de détruire les coopératives utiles et influentes du Mouvement associatif au Rwanda. Pour le FPR, la priorité est d’appauvrir la population rwandaise car « ventre affamé ne réfléchit pas, donc ne conteste pas ». La meilleure stratégie consiste à éliminer par tous les moyens les dirigeants ou les personnes influentes de la Société Civile Rwandaise pour les remplacer par des « hommes de service » du FPR. Toutes coopératives ou associations que la junte militaire n’arrive pas à infiltrer et à récupérer ont été détruites ou sont en voie de l’être. La stratégie de destruction ou de récupération reste toujours la même. Les responsables incorruptibles ou irrécupérables sont purement et simplement assassinés par balles, empoisonnés, contraints à l’exil ou emprisonnés arbitrairement sous plusieurs prétextes qui ne manquent jamais au Rwanda où des syndicats de délateurs ont été implantés et exploités par les extrémistes tutsi dès avril 1994.

Le Gouvernement rwandais dirigé par le FPR sait bien qu’il ne lui sera pas facile de diriger les Rwandais aussi longtemps que lumière ne sera pas faite sur les tueries de masses organisées par l’Armée Patriotique Rwandaise, au Rwanda et dans les forêts du Congo,  depuis Octobre 1990 jusqu’à l’heure actuelle. Ce Gouvernement sait aussi que l’exclusion des forces vives de la nation dans la gestion du bien public pour s’appuyer sur des groupuscules aux idées belliqueuses est une politique sans issues possibles vu les problèmes actuels de l’économie nationale.

Par ailleurs, les Rwandais voient que les conditions de vie de la population se dégradent de jour en jour et que les zones rurales n’ont pas accès aux infrastructures de base. Les organisations qui ont un contact direct avec les paysans avaient compris. Ils pouvaient proposer de nouvelles approches pour aider les Rwandais à sortir du labyrinthe des problèmes de l’après-guerre pour penser aux objectifs de développement à long terme.

Dans un régime démocratique, le rôle d’une Société civile indépendante, c’est de surveiller les institutions officielles de l’Etat pour mieux « jouer un rôle de traduction de la conscience collective, de formation, de proposition de solutions alternatives aux problèmes que vivent les populations, mais aussi de dénonciation, de revendication et de pression sur les autorités politiques ou toute autre organisation et individu pour un mieux-être de ces populations ».

Une relation de justice est fondée sur l’équilibre entre les pouvoirs des individus. Chacun doit exercer son propre pouvoir dans les limites qui permettent cet équilibre. Toute lutte pour la justice et la liberté est une lutte pour le pouvoir. Les victimes d’une injustice sociale ne peuvent obtenir la reconnaissance de leurs droits que s’ils parviennent à acquérir suffisamment de pouvoir pour contraindre les pouvoirs établis à leur rendre justice.

Pour toute Société civile indépendante, la stratégie de l’action non-violente vise non pas directement la prise du pouvoir pour le peuple, mais d’abord l’exercice du pouvoir par le peuple. Dans un premier temps, il ne s’agit pas de préparer une offensive frontale contre le pouvoir étatique, mais d’organiser la société civile afin de permettre aux citoyens d’exercer directement leur propre pouvoir.

Connaissant bien les dynamiques de développement de la société rwandaise, et le rôle que peut jouer la Société civile dans la sensibilisation de la population sur les enjeux du développement ; et la tendance actuelle des bailleurs de fonds pour appuyer les projets qui visent le développement autocentré des populations et leur responsabilisation à l’auto prise en charge, les autorités actuelles sentent  leur survie menacée et savent qu’ils ne peuvent plus appuyer leur  pouvoir sur le mensonge. Ainsi, les Organisations de la Société civile sont muselées et les ONG internationales qui ont une certaine réputation parmi la population sont intimidées. La Société civile doit résister, car « EXISTER, c’est RESISTER ».

Fait à Bruxelles, le 04/12/2014

Joseph MATATA, Coordinateur du CLIIR